Peut-être que vous me connaissez déjà, peut-être que non. Dans le doute je vais me présenter. Je m'appelle Aurora et je suis la fille d'Edan, l'enchanteur royal, et d'Atalante, sœur de la reine Ésperanza. Impressionnant n'est-ce pas ? J'en étais du moins convaincu, avant.
Mes amis m'appellent Rori. Non, je blague. Je n'ai pas d'amis.
Pourquoi ? Parce que je ne veux pas d'eux et qu'ils ne veulent pas de moi. Je sais bien ce qu'ils disent de moi dans mon dos. Que je suis froide et manipulatrice. Que je suis vicieuse et cruelle. Je les effraies et ils font semblant de m'apprécier, mais je ne suis pas stupide. Pourtant je dois avouer que jusque là cette situation me convenait. Je pouvais ainsi régner sur mon petit monde, diriger cette petite cour d'individus fades de ma supériorité écrasante. Jusque là. Jusqu'à elle.
Je me rappelle qu'il y a quelques années encore je faisais illusion, mais mon image d'adorable petite fille s'est bien craquelée depuis. Il était grand temps que je tire ma révérence. Depuis qu'elle est arrivée au palais je n'y ai plus ma place. Les premiers temps je n'ai pas voulu l'admettre, je pensais que c'était elle qui était l'intruse, d'ailleurs c'est encore ce que je pense, mais bien vite je me suis rendue compte qu'elle avait réussi à tout me voler. Le sang royale dont j'étais si orgueilleuse coule aussi dans ses veines, il lui donne ce titre que ma mère désirait tant pour moi. Princesse. Le choc a été violent quand j'ai réalisé que cette fille qui avait grandi chez les sans-magies avait réussi à me détrôner, à prendre ma place. Depuis mon plus jeune âge, ma mère m'a toujours dit la chance que j'avais de ne pas avoir de cousins, d'être ainsi presque sûre d'être désignée comme reine à la mort de mon oncle et de ma tante. Elle m'a élevée dans l'idée qu'un destin grandiose m'attendait. Désormais je n'ai plus rien.
Je suis arrivée ici hier, avec mon père nous n'avons que deux valises chacun. Tout le reste est resté là-bas. Ici il n'y a pas grand chose à faire. La campagne s'étend à perte de vue. Nous sommes seuls au monde. Je pense commencer un journal de bord afin de laisser une trace, pour continuer son travail. J'ai passé des heures dans les archives du palais après son escapade, et si il y a une chose que j'ai retenu, c'est que les journaux sont des témoignages précieux. Je veux faire ce témoignage, je veux que les générations futures se rappellent de ma mère comme une femme forte et ambitieuse, pas comme une vulgaire traîtresse, ou pire, qu'elle soit rayée de l'histoire. Désormais il est de mon devoir de prendre le relais de la tâche hardue qu'elle avait entreprit. Elle me l'a toujours dit, tout ce qu'elle a entreprit c'était pour moi. Il est désormais de mon devoir d'accomplir ses dernières volontés. C'est tout ce qu'il me reste, de lui faire honneur et de réparer ses erreurs.
Que depuis les étoiles elle puisse être enfin fière de moi et que nous puissions nous retrouver vite.
Cela ne va pas être simple je le sais. Je n'ai plus rien. Je ne suis plus rien. Je ne suis que vide et rage. Je crois que j'ai n'ai pas dû décrocher plus de trois phrases à mon père depuis son enterrement. Il s'inquiète, ça crève les yeux. Il sait que tout ça est de sa faute. Maintenant il pense que je vais suivre la même voie qu'elle, et il n'a pas tout à fait tort. Mais c'est en pensant qu'il est en mesure de m'en empêcher qu'il se leurre. Il n'a pas pu l'arrêter, il ne pourra pas m'arrêter non plus. Je réparerai coûte que coûte les erreurs qu'il a faites, les erreurs qu'elle a faites. Le voilà mon héritage, réparer les erreurs de mes parents. Alors qu'à chaque fois qu'il pose les yeux sur moi il cherche à deviner le moment où je vais m'effondrer, sombrer dans le désespoir, moi je n'ai qu'une pensée, qu'une obsession. J'ai une mission à accomplir. Je dois la ramener. Je peux la ramener. Parce que si je dois envisager ne serait-ce qu'une seconde de passer le reste de ma vie sans elle, c'est à cette seconde là que m'écroulerais. Je suis installée sur le rebord de la fenêtre de ma chambre, le ciel est d'un noir profond, sans étoiles. Seule la lune illumine la nuit de sa douce clarté. Il fait relativement doux, j'ai simplement pris un poncho qui ne m'appartient pas dans le placard. En arrivant j'avais le choix entre deux chambres ; celle de ma mère et celle de ma tante. J'ai prit celle de ma tante, elle n'apprécierait pas que j'ai touché à ses affaires en son absence, quand elle reviendra elle voudra les retrouver intactes, inchangées. Il n'y a pas un bruit dans la maison, je suppose que mon père dors déjà. Ma chambre est au rez de chaussée. Alors quand l'envie m'en prend, je me laisse tomber en évitant de justesse le parterre de fleurs. Depuis quelques semaines je découvre de nouvelles sensations, j'apprends à faire de nouvelles choses qui jusque là n'étaient pas nécessaires. Quand j'avais mes pouvoirs. Avant il me suffisait de me concentrer pour faire apparaître les objets de mon choix, d'un regard pour m'entourer d'une illusion, d'un clin d'œil pour partager mes pensées dans le cerveau d'un autre. Désormais je ne trouve que du vide en moi. Je dois avouer que je prends d'avantage de plaisir dans ce qui me paraissait avant des détails sans intérêt. Par exemple l'odeur des roses et de la nuit, le bruit de la forêt non loin de la maison. Je marche sans but, admirant simplement le paysage. J'entends un oiseau au loin, je suppose qu'il s'agit d'une chouette, mais personne ne m'a jamais appris à reconnaître son cri. Je marche encore et encore, parce que quand je ferme les yeux, quand je m'allonge sur mon lit, c'est dans ces moments-là que les doutes commencent à venir. Je ne veux pas douter, même si j'ai peur je lui dois d'aller au bout de ce que je compte entreprendre. Bientôt je me retrouve au cœur de la forêt, j'espère que j'arriverai à trouver le chemin du retour. Finalement la fatigue de toutes ces nuits me rattrape et je m'adosse à un arbre, la mousse me fait un lit douillet, et l'oiseau continu de hululer longtemps.
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le royaume des elfes 2-Aurora
FantasiaAlors que tout s'est effondré autour d'elle, Aurora se lance dans une quête aussi difficile qu'étrange.