Chapitre 48 : Channy

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Tomas avait un côté bourru qui pouvait effrayer les gens de prime abord mais lorsqu'on le connaissait mieux, on apprenait que cet homme avait un cœur en or avec un goût pour l'humour. Cela faisait une bonne heure que je tentais de lui apprendre les bases de l'écriture tactile à points. Il n'y avait rien à faire. Il ne parvenait pas à rester suffisamment concentré. Nous ne cessions de rire à ses bêtises. À croire qu'il s'était investi de la mission de me rendre plus joyeuse qu'à mon arrivée. En effet, les cachoteries de Mase avaient court-circuité ma bonne humeur matinale. Depuis, je ne parvenais plus à passer à autre chose. J'avais bien essayé de faire parler Georgia mais celle-ci était une tombe. Dès que nous étions arrivées chez elle, elle avait disparu, après avoir annoncé à Tomas que j'étais là pour lui apprendre à lire en braille. Celui-ci m'avait pris en charge avec joie. Je ne savais pas où elle se trouvait, ni si elle était toujours dans la maison. Cela m'agaçait. J'aimais l'honnêteté et, son fils et elle, me mentaient. Sans être curieuse de nature, je savais que leur cachoterie me concernait. J'étais donc en droit d'en connaître le sujet. Je n'aimais pas être mise à l'écart car mon esprit spéculer en tournant à grande vitesse. Cela n'avait rien de positif, bien sûr. Mon cerveau s'était conditionné, inconsciemment, à se préparer au pire, tel qu'une rupture. Cela emplissait mes pensées. Aussi, tant que je n'avais aucun contrôle sur la situation, je me contentais de profiter de ces petits moments auprès de Tomas.

- Tu n'es absolument pas concentré, me plaignis-je.

- C'est parce que j'ai besoin d'une pause., dit-il en se levant. Tu veux une bière ?

- Il est seulement... commençais-je en appuyant sur ma montre.

- ... six heures trente-six, annonça la voix électronique de ma montre.

- Heure parfaite pour une bière, voire deux, s'amusa-t-il.

- Où est Georgia ? demandais-je en me levant à mon tour.

- Je ne sais pas, me répondit-il distraitement.

En devenant aveugle, je ne pouvais plus me fier à mes yeux. J'avais développé mes autres sens et distinguais les changements de voix, de ton, d'intonation. Je pouvais chercher l'intention derrière ces variations. La voix de Tomas m'indiquer qu'il me mentait, également. Il savait où elle était. Il refusait de me le dire. Tous ces mensonges commençaient à m'énerver prodigieusement. Je m'avançais sans précaution et percutais un meuble. Mon genou cogne un angle de ce meuble et devint lancinant. Les pas précipités de Tomas arrivèrent à moi. Il agrippa mes épaules pour me redresser puis il se pencha, passa un bras sous mes genoux et l'autre autour de ma taille et il me souleva avec une facilité déconcertante. Je n'avais pas encore demandé à le regarder mais il serait peut-être temps de voir à quoi ressemblait ce bonhomme à l'impressionnante force pour un homme qui approchait de la soixantaine.

- Pourquoi as-tu fait ça ? s'irrita-t-il.

- Pourquoi vous me mentez tous ? criais-je. S'il veut me quitter, qu'il me le dise, c'est tout. Qu'il assume, bordel !

Tomas s'arrêta brusquement. J'étais toujours dans ses bras. Il s'était figé. Puis soudainement il se mit à rire grassement. Je décrochais une main de son cou, où je m'étais agrippé lorsqu'il m'avait soulevé de terre, pour lui frapper l'épaule.

- Arrête de rire. Ce n'est pas drôle !

Il continua à rire tout de même, complètement hilare.

- Arrête ! m'écriais-je sentant monter des larmes insidieuses.

Il dut enfin remarquer que la situation ne se prêtait pas à rire car l'angoisse qui m'envahissait petit à petit me rongeait.

A blinding encounterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant