Chapitre 28

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Trois coups sont violemment frappés à la porte. Je pose mon livre d'histoire, me lève du canapé, qui est devenu mon lit en attendant que la chambre soit de nouveau opérationnelle, et vais ouvrir pensant qu'il s'agit d'Hélène pour sa visite quotidienne. J'appuie sur la poignée et tire le battant. Ce n'est pas Hélène mais son mari, John.

— Je viens de la part du conseil, déclare John. Tu dois me suivre immédiatement.

— Diana, qu'est ce qui se passe ? intervient Candice qui depuis la cuisine me jette des coups d'œil régulièrement.

— Reste en dehors de ça Candice, je dois emmener cette jeune fille au conseil immédiatement.

Je reste entre les deux elfes, paniquée. Pourquoi devrais-je aller là-bas ? Est-ce à cause de mon accident d'il y a deux jours ?

— Je vais t'accompagner.

Candice enlève ses chaussures d'intérieur pour revêtir des ballerines grises. Sans discuter, nous suivons John à travers le jardin. Au moment où je m'apprête à sauter, deux aquilies apparaissent devant nous.

— Diana ! Tu vas bien ?

— Talia ! Elerinna !

Je voulais aller voir Talia hier pour lui expliquer la raison de mon absence à l'académie et le fait d'avoir manqué notre rendez-vous chez elle. Malheureusement je n'avais pas le droit de sortir, Hélène considère que je pourrais m'évanouir n'importe quand et qu'il faut que je reste dans la maison au moins pendant trois jours. L'avantage c'est que je pourrai aller en cours demain, si ce que va annoncer le conseil ne m'en empêche pas.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? me demande-t-elle encore inquiète.

— Nous n'avons pas le temps de discuter, coupe John. Le conseil nous attend immédiatement. Mme Charrif, veuillez retourner chez vous avec votre fille.

— Mais... commence l'aquilie.

— Talia, nous reviendrons quand Diana sera libre, coupe sa mère.

Sur ces mots, elles disparaissent toutes les deux dans les ténèbres. John ne perd pas une seconde, il ouvre un autre portail et plonge dedans en faisant flotter sa chemise orangée.

Le conseil est déjà réuni quand nous pénétrons dans la salle. Contrairement à leurs habitudes, ils affichent tous un air fermé et sérieux. Ils nous invitent à prendre place sur les deux chaises restantes autour de la grande table avant de commencer.

— Nous n'allons pas tourner longtemps autour du pot, commence Maxime. Nous pensons que le feu qui a ravagé la chambre a été déclenché par un elfe.

— En effet, poursuit Drake, le représentant des caelis, en raison de la situation de Diana, tout nous laisse croire qu'elle en est l'origine.

Un silence de mort pèse sur la table, Candice, d'habitude si sûre d'elle ne trouve plus ses mots.

— Vous... Vous n'êtes tout de même pas en train d'insinuer que c'est Diana qui a allumé le feu.

Je ne comprends rien, je leur ai pourtant dit la vérité, je dormais.

— Pas volontairement, précise Julia. Candice, écoute, cela fait deux jours entiers que nous nous posons la question, deux jours que nous encaissons la nouvelle. Cela peut paraître totalement déconcertant et improbable mais...

— Diana est une ignie, finit John.

Le temps que je comprenne le sens de ces mots, un débat éclate.

— C'est impossible, vous le savez, elle contrôle l'eau, c'est une aquilie ! Elle ne peut pas changer d'élément comme ça, en une nuit ! panique la caelie.

— Elle n'a pas changé, elle les a additionnés, explique Maxime fasciné.

Tous les visages se tournent vers moi, au moment même où je comprends les paroles de Maxime.

— Mais, je croyais qu'un elfe ne pouvait contrôler qu'un seul élément, je déclare un peu en retard, ne sachant pas vraiment si je me rends compte de la situation.

— Justement Diana, tu as tout à fait raison. Mais normalement un elfe a des parents elfes également. Normalement un elfe vit à Elyria, décrète Drake.

— Comment pouvez-vous le savoir ? explose Candice qui avait retenu ses émotions jusqu'à maintenant. Vous n'étiez pas là ! Comment expliquer qu'elle se soit brûlée avec son propre feu sinon ?

Visiblement le conseil a déjà réfléchi à la question car Maxime répond du tac au tac.

— C'est psychologique, les ignis ne se brûlent pas avec les flammes qu'ils créent car ils savent que c'est eux qui les ont créées. En revanche, le feu venant d'un autre igni, lui, peut avoir un effet sur eux. Donc comme Diana ne savait pas qu'elle était à l'origine des flammes, pour elle c'était le feu de quelqu'un d'autre.

Je ne comprends pas leur discussion. Une seule question trotte dans ma tête. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi suis-je si... Différente ?

— Vous n'avez pas de preuve, achève Candice à bout de force.

— Il n'y a qu'un seul moyen d'en avoir le cœur net.

John se lève et me fait signe de le rejoindre. Mon corps se fige, j'ai déjà vécu cette situation. Il veut que j'use de mon élément, mais cette fois, j'en suis incapable, je n'ai jamais réussi à produire ne serait-ce qu'une étincelle.

Mes pas sont lourds quand je me dirige vers l'igni. La dernière fois, les autres essayaient de l'en empêcher, maintenant personne ne parle. Ils attendent juste le verdict.

— Fait apparaître une flamme, m'ordonne John.

— Je... Je ne peux pas.

— Repense à ton cauchemar, c'est l'élément déclencheur de ton pouvoir. Pense à la douleur que tu éprouvais.

Mes souvenirs cauchemardesques me reviennent en mémoire. Machinalement, je canalise toute mon énergie, tends les bras et la laisse sortir.

Je réussis à produire quelque chose, mais ce n'est pas ce qu'ils attendent. Un jet d'eau parcourt la pièce et vient éclabousser le mur dédié au terrelis.

— Je suis désolée.

Je tente de m'excuser mais déjà John est reparti, il ne lâche pas. Il paraît si sûr de lui.

— Pense à des flammes, du feu de partout, la chaleur, les brûlures...

Tandis qu'il continue sa description, je ferme les yeux et imagine. Instantanément j'arrive à le voir, le feu. Il ravage tout, les maisons, les jardins, les forêts, les habitants, tout sur son passage. J'entends toujours la voix de John dans ma tête qui me donne les indications.

— Garde toutes tes émotions, ta douleur, ton chagrin, ta peine... Et libère-les !

Je rouvre les yeux d'un seul coup en tendant les mains devant mes yeux. Je suis projetée en arrière par la puissance.

Maxime accourt pour éteindre le feu qui se propage le long du corps de Julia. La dernière image que j'ai en tête, est celle du visage de John, souriant et fier. 

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