Chapitre 48

19 8 0
                                    


Cela fait plus d'une semaine que j'ai rendu visite à James. Les ignis n'ont montré aucun signe de leur présence. Nous avons donc aménagé une troisième couchette dans la chambre de Talia pour Thaïs comme elle risque de rester assez longtemps.

James n'est toujours pas venu me voir pour me tenir au courant. Je me tiens, alors, à nouveau devant sa maison. Cette fois, sans appréhension, je toque. C'est Candice qui m'ouvre.

— Si tu es venue voir James, tu peux repartir.

Elle essaie de refermer la porte mais je la bloque avec mon pied.

— Est-ce qu'il est là ?

— Je t'ai dit qu'il était inutile de perdre ton temps. Il n'est pas sorti de notre chambre depuis ta dernière visite.

— Vraiment ? Pourquoi ?

— Il ne m'a rien dit. Il passe ses journées à coller des feuilles sur les murs puis à les déchirer. Quoi que tu lui aies dit ou fait, maintenant ça ne va pas. Alors je t'empêche de recommencer.

Cette fois, elle claque la porte si fort, que je suis obligée de retirer mon pied.

— Candice attends ! Je voulais te parler aussi...

De longues secondes s'écoulent puis elle rouvre doucement la porte. Sa voix se radoucit.

— Tu voulais me parler à moi ? demande Candice comme si elle ne pouvait pas y croire.

— Oui, et à Finn et Lina, je confirme en hochant la tête.

Elle pousse un long soupir en baissant les yeux.

— Ils ne voudront pas Diana... dit Candice avec regret.

— Je veux au moins essayer, s'il te plaît. Ils méritent de savoir certaines choses, j'insiste en essayant d'être la plus convaincante possible.

Après un moment d'hésitation, elle s'écarte.

— Très bien, entre, finit-elle par déclarer en se décalant de l'entrée pour me laisser passer.

Quand je les vois, toute mon assurance s'envole.

— Maman ! Qu'est-ce qu'elle fait là ? s'exclame Lina, le visage crispé par la colère.

Les paroles de Lina sonnent plus comme une insulte à mon égard qu'à une question pour sa mère mais je ne dis rien. Je mérite au moins ça.

— Je voulais juste... Vous parler, j'essaie doucement.

— Ah ouais ? Et pour dire quoi ? « Oh je suis vraiment désolée de vous avoir fait du mal, mais je peux revenir chez vous ? » fait Lina en m'imitant. Tu peux retourner avec tes nouveaux potes les Wilson, la réponse est NON.

Cette phrase me transperce littéralement. Est-ce vraiment cette image qu'elle a de moi ?

— Je suis venue vous parler à leur sujet, je murmure en avalant ma salive.

— Lina s'il te plaît, tu sais que je suis de ton côté sur ce débat là, mais nous allons écouter ce que Diana a à nous dire, m'aide Candice.

Elle me fait signe de m'asseoir à côté d'elle sur le divan. Je suis en face de Finn, il n'a pas parlé depuis que je suis arrivée. Le voir me rappelle notre dernière rencontre.

— James vous a dit pour les Wilson ? je les questionne après un moment de silence.

— Nous savons juste que tu habites à présent avec Rhys et Elerinna. James ne voulait rien nous dire même si nous savions tous les trois que tu lui rendais visite.

En entendant ça, je me rends compte de la distance qui me sépare d'eux. Pour moi, il était évident qu'ils étaient au courant de tout. De la discussion que j'ai surprise entre John et Hélène et de tout le reste. J'ai donc dû tout reprendre depuis le début. Contrairement à James, personne ne m'interrompt jusqu'à la fin pour poser des questions. Lina semble dans les nuages, Candice m'écoute attentivement. Finn, lui, me fixe tellement intensément que je n'arrive même pas à savoir s'il prête vraiment attention à ce que je dis.

Quand je finis, j'hésite à poursuivre en parlant de mon cauchemar éveillé. Finalement je m'abstiens et attends leur réaction.

— Diana, ce n'est pas contre toi mais je pense qu'on peut dire que l'on t'avait prévenue contre les Wilson, affirme Candice en me regardant dans les yeux.

— Oui, je sais. Et j'aurais dû vous écouter. Vous aviez raison depuis le début, je me sens tellement bête maintenant.

— Si tu crois qu'en disant ça on va te pardonner ! Tu te trompes, déclare Lina en fronçant les sourcils, le visage tendu et les poings crispés.

— Lina, je sais que ça a mal démarré entre nous et je ne sais même pas si tu as fini par m'apprécier mais je suis sincèrement désolée. Je tente de m'excuser, déchirée par la douleur qui me serre le ventre à chaque fois qu'un Avery refuse de m'excuser.

— Dès que tu es arrivée dans ce monde, j'ai su que tu n'étais pas à ta place. Je ne t'aimais pas et rien n'a changé. Je me fiche que tu sois partie avec les Wilson, je t'en veux juste d'avoir fait autant de mal au reste de ma famille ! me hurle-t-elle au visage, les traits fermés.

Je me tourne vers Finn les larmes aux yeux. Lui aussi est sur le point de craquer mais il se contrôle mieux que moi.

— Diana... Quand je t'ai rencontrée au parc et que j'ai découvert que tu étais l'une des nôtres, je me suis fait la promesse de faire de mon mieux pour que tu sois accueillie à Elyria comme n'importe quel autre elfe. Au conseil, lorsque j'ai su que tu allais venir chez nous, j'étais tellement heureux. Je n'avais pas espéré mieux.

Mon cœur se desserre. Personne ne peut imaginer ce que ça me fait d'entendre ça. Comme une crème sur une brûlure, ici un baume sur mon cœur brisé. Finn baisse les yeux vers le sol et poursuit son discours.

— La première fois que je t'ai vue avec les Wilson, je l'ai immédiatement perçu comme une trahison. Mais je ne t'en voulais pas, tu ne pouvais pas savoir que nous avions eu un passé compliqué avec eux. J'ai essayé de te le faire comprendre mais, après tout, c'était ton choix. Quand tu as dû aller chez les Wilson pour te remettre de tes brûlures, tu y étais obligée. Mais pour moi il était évident que tu allais revenir, que tu viendrais nous voir le soir ou à l'académie. Je t'ai attendue longtemps, mais tu n'es jamais revenue...

Il fait une pause et se décide à relever la tête. Son regard de colère fait ressortir mes larmes que j'avais ravalées.

— Ton absence a pesé sur toute la maison. Tellement que quelque fois je croyais que tu allais descendre les escaliers en souriant et venir t'asseoir à la table pour le petit déjeuner comme si rien de tout ça ne s'était produit.

Son regard se perd derrière moi, comme s'il s'avouait ses pensées à lui-même, elles ne me sont plus forcément destinées. Sa mère se lève et l'entoure de ses bras. Sa sœur fait de même et je me retrouve seule, face à cette famille en larmes.

Est-ce que je dois partir ? Sûrement, ils ne veulent plus me voir. Je m'apprête à quitter le salon quand je vois James dévaler les escaliers, et courir vers l'entrée. Il ne semble même pas remarquer que sa femme et ses deux enfants vont mal.

— James ! Où vas-tu ? s'exclame Candice, les joues encore mouillées.

Il se retourne face à sa femme.

— Je t'aime Candice, atteste James la voix remplie d'amour.

Puis face à Lina et Finn.

— Je vous aime les enfants, je vous aime fort, énonce-t-il sur le même ton.

Je suis surprise de le voir se tourner vers moi et encore plus surprise quand il prononce, la voix chargée d'émotions :

— Je reviendrai, je vais juste régler la petite chose dont je t'ai parlé la dernière fois. Et sache que pour moi tu feras toujours partie de notre famille quoi qu'il arrive.

Sur ce, il se retourne et quitte la maison. 

Le monde oublié Où les histoires vivent. Découvrez maintenant