Chapitre 35

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Nous sommes sur une plaine qui semble ne pas avoir de fin, juste de l'herbe. Je ne sais même pas si cet endroit a réellement une limite. Je n'ai jamais cru à l'infini ; pour moi tout avait une fin. Cela me semblait irrationnel que quelque chose ne se finisse jamais. Pourtant, quand j'observe autour de moi, tout me laisse penser que c'est le cas.

— C'est un monde parallèle.

Je me retourne, surprise par la voix. John m'a sûrement vu scruter le paysage car il répète.

— Nous ne sommes plus à Elyria, c'est un monde que je viens de créer.

Il doit voir que je ne suis pas son explication, pour m'aider, l'igni précise :

— Tu as sans doute remarqué que les portails ne nous font pas changer que d'endroit, mais aussi de monde, comme quand tu es venue à Elyria pour la première fois, ou à chaque fois que tu vas t'entrainer à l'académie.

— Aux entraînements ?

— Oui, tu ne t'es jamais demandée où tu t'étais déplacée ? Et bien je vais te le dire ; dans un monde que nous avons créé spécifiquement pour ça. Je viens d'en développer un, ça n'a pas été très difficile, d'autant plus que je n'y ai mis que de l'herbe.

— Comment tu as fait ?

— Il faut acquérir une certaine maîtrise des éléments. Je ne contrôle que le feu, certes, mais ce n'est pas pour autant que je ne connais pas les autres. Environ une vingtaine d'elfes à Elyria sont capables de réussir cela, dont les quatre membres du conseil.

— Je pourrais réussir moi ? je le questionne pleine d'espérance et d'émerveillement.

— Si tu suis mes conseils oui, tu y arriveras et sans doute mieux que n'importe qui...

Il semble réfléchir, pas à ce qu'il vient de dire, il était sûr de lui, il n'y a aucun doute, il pense à autre chose. J'ai l'impression qu'il ne se rend même plus compte que je suis là, comme si son esprit était focalisé sur cette mystérieuse pensée.

— John ?

— Oui, oui j'arrive, il murmure.

Il relève soudainement la tête et m'envoie un jet de flammes. Surprise, par réflexe je le contre grâce à mon don d'aquilie.

— Je veux que tu absorbes le feu. Tends tes mains devant toi et réceptionne-le en te concentrant.

— Haaaa !

Je ne sais pas pourquoi je l'ai fait, j'aurais dû savoir que le feu allait me brûler non ? Maintenant tout ce dont je suis certaine c'est que la douleur est cuisante.

John court vers moi et prend immédiatement mes mains recouvertes de cloques. Mes brûlures disparaissent petit à petit, comme s'il réaspirait sa magie afin d'annuler l'action. Je ne savais même pas les elfes capables d'une chose pareille.

— Il faut que tu te sentes capable de réceptionner la magie, m'explique John comme s'il ne s'était rien passé. Allez on recommence.

— Quoi ? Je ne veux pas refaire ça !

— Si tu l'absorbes, tu ne te brûleras pas.

Il s'éloigne et se prépare à renvoyer des flammes. Je regarde mes mains, elles sont parfaitement normales, aucun signe de cicatrices. Malgré ça, je ne peux pas oublier la chaleur torride qui m'a fait souffrir quelques instants.

C'est encore un échec accompagné de douleur, pas qu'un d'ailleurs, les suivants aussi, et encore, encore...

— Il ne faut pas que tu aies peur, m'explique John pour la énième fois. Il faut que tu aies confiance en toi.

Je me replace, épuisée et mal en point à cause de toutes mes précédentes brûlures. Le jet de feu se dirige rapidement vers moi, je lève les mains pour le réceptionner. Le contact est chaud mais pas brûlant. Je sens une énergie nouvelle entrer dans mon corps. Soudain une douleur me transperce le crâne, comme une grosse migraine. Ma concentration s'envole quelques secondes mais cela suffit pour que le reste des flammes me brûle la chair.

— Tu avais réussi ! s'exclame-t-il en me prenant les mains pour les guérir. Qu'est-ce qui s'est passé ?

— J'ai eu, d'un coup, très mal à la tête et puis...

Je m'arrête, surprise, je n'ai plus rien, la douleur a totalement disparu.

— Maintenant je ne sens plus rien, je déclare pour illustrer ma pensée.

— C'est quelque chose qui arrive quand on accumule trop d'énergie ou que c'est nouveau pour l'elfe. La plupart sentent la douleur près de leur cœur mais certains, comme toi apparemment, dans la tête.

Une fois qu'il a fini de faire disparaître totalement les cloques sur mes doigts, il ouvre un portail.

— Je pense que ça suffit pour aujourd'hui, nous continuerons demain.

Je fais un signe de tête pour montrer ma grande approbation et saute dans le portail.

Une fois rentrés dans la maison, les jumeaux viennent nous questionner.

— Alors ? Tu as réussi ? demande Chiara.

— Tu as vu comme c'est bien ! poursuis Adam.

— Elle n'a pas encore manipulé, pour l'instant il faut qu'elle se concentre pour absorber l'énergie, répond John à ma place.

— Tu n'es pas drôle papa ! Laisse-la faire c'est plus amusant !

Son père lui lance un regard noir et quitte la pièce.

— Il est persuadé qu'il faut d'abord absorber l'énergie, c'est pas du tout comme ça qu'on apprend à l'académie, souffle Chiara. De toute façon, ça sera impossible de le faire changer d'avis, il tient absolument à ce que ton apprentissage soit parfaitement réussi.

— Nous t'avons attendue pour manger mais il faut se dépêcher.

Adam et Chiara veulent tout savoir sur ma première séance, même si je n'ai pas grand-chose à dire, cela nous occupe pendant tout le temps du repas.

J'aurais voulu me plonger dans mes livres en arrivant dans ma chambre mais je veux en priorité écrire dans mon carnet ce qui m'est arrivé avec John. Il faut que je décrive l'émotion qui m'a submergée quand j'ai réussi l'exercice.

Malheureusement une fois cela fini je suis trop fatiguée pour me mettre aux révisions. Je me couche donc directement.   

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