Le monde oublié

Chapitre 39

Mon uniforme colle à ma peau. Les gouttes de sueur perlent le long de mon nez. Cela devient de plus en plus difficile de créer de nouvelles gouttelettes d'eau. Il faut que je me concentre pour garder les autres en lévitation. C'est d'autant plus compliqué car je suis obligée de me reculer du mur pour pouvoir voir ma création en entier et la continuer.

Maxime n'a pas dit un mot depuis le début. Je ne peux pas détourner mon attention de l'eau une seule seconde. Je n'ai aucune idée de l'expression qui se peint sur son visage en ce moment même. Je ne sais pas si j'avais un temps imparti pour finir cet exercice mais si oui, je l'ai sûrement déjà dépassé.

Mes mains sont tendues devant moi et maintiennent le long de la paroi toutes les gouttes d'eau que j'ai créées durant ce laps de temps. En bougeant presque imperceptiblement mon index gauche, je réussis à faire apparaître une nouvelle sphère qui avance doucement vers les autres afin de prendre la place de la dernière mosaïque.

Je viens de finir, je peux enfin contempler ma réalisation dans son ensemble. Je recule encore de quelques pas. J'ai fait du mieux que j'ai pu, avec différentes formes, différentes nuances de bleu... Pour finalement réussir à représenter ce que je voulais.

— Je reconnais cette mosaïque, fait Maxime. Elle se trouve dans un couloir du conseil, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête tant je me concentre pour maintenir le dessin en place. Maxime doit voir ma fatigue car à son tour il lève les bras et absorbe toutes les gouttelettes, sans exception, en moins de dix secondes. Je laisse tomber mes bras, épuisée par cet effort.

— C'est vraiment très impressionnant, déclare le conseiller. Réussir à partager sa concentration ainsi, c'est très technique... Tu avais déjà essayé de faire quelque chose comme ça ?

— Non, pas vraiment... je réponds, encore fatiguée.

— Incroyable... murmure-t-il.

Il m'observe un instant comme pour trouver une réponse à quelque chose, mais il se ressaisit rapidement.

— Je suis en retard sur ma journée, ta création était plus longue que ce que nous avions calculé mais cette attente en valait la peine. Je pense, Diana, que je n'ai même pas besoin de te dire comme tu m'as impressionné.

— Merci, je déclare en retrouvant de l'énergie grâce aux paroles de Maxime.

— On se reverra bientôt Diana.

Il ouvre un portail à quelques centimètres du bout de mes ballerines. Le passage est si près que je n'ai même pas le temps de me retourner pour lui adresser un dernier mot. Déjà, une force me tire dans la faille et je me retrouve dans le noir. Pas pour longtemps, je le sais. Mais ces petites secondes de flottement me font toujours du bien.

C'est au moment où je reviens sur la terre ferme que je me rends compte que je ne savais même pas où le portail allait m'emmener. Sans surprise, je me retrouve à l'académie, et plus précisément, dans l'entre-deux. Beaucoup d'élèves de différents éléments sont déjà présents. Je cherche des yeux un visage familier avant de tomber sur de longs cheveux blonds. Je m'approche de Talia qui est en train de parler avec d'autres filles de notre section.

— Hé, Talia !

Elle se retourne vivement en entendant ma voix, murmure quelque chose à l'intention des aquilies puis elle me rejoint.

— Ça s'est bien passé ?

— Oui ça va, j'ai réussi les trois épreuves. Et toi ?

— Je pense que oui, Maxime avait l'air content, je lui réponds, enthousiaste.

— Tu veux dire M. More, me reprend Talia. C'est un conseiller Diana, tu ne peux pas l'appeler comme ça !

— J'appelle bien John, John, je rétorque sans savoir si elle a compris le sens de ma phrase.

— Ce n'est pas pareil, il t'a accueillie chez lui. Tu vis là-bas.

— Tu penses que je ne retournerai jamais chez les Avery ?

— Je ne sais pas... Ils ont vraiment l'air de t'en vouloir. D'après ce que tu m'as dit à propos de Aaron, je comprends qu'il n'aime pas John.

— Tu crois que c'est vrai ?

— J'en ai aucune idée... Oh, tiens, regarde derrière toi, Marcus arrive.

Je me retourne immédiatement en faisant un pas en avant et tombe nez à nez avec l'igni à tel point que je me cogne contre lui et perds l'équilibre.

— Salut, il déclare en me rattrapant de justesse avant que je tombe. Comment se sont passés vos exams ?

— Bien et toi ? demande Talia pendant que je reprends mes esprits.

— Ça peut aller... Je pense que je vais avoir mon « très bien ». Et toi Diana t'as réussi ?

— Maxi... M. More a dit que c'était bien, donc je pense que oui.

— Vous avez fait quoi comme création ? nous demande Talia.

— Moi, j'ai jonglé avec sept boules de feu, déclare fièrement Marcus.

— J'ai fait une mosaïque avec des petites gouttes d'eau.

— Une mosaïque ! s'exclame Talia. J'ai juste fait un arbre... Je suis nulle comparé à toi... dit-elle en soufflant.

— Mais non Tal... Mon réconfort se noie sous les paroles d'une voix amplifiée par je ne sais quel outil.

— Les examens sont terminés ! s'exclame la voix qui appartient à William.

Un tonnerre de cris de joie et d'applaudissements résonnent dans l'entre-deux.

— Je vous invite à rentrer chez vous et bien sûr... À vous préparer pour la fête de ce soir, qui aura lieu, ici, à l'académie !

Les cris reprennent de plus belle. Tous les élèves prennent le portail qui les relient au hall pour rentrer chez eux.

— Il y a une fête ? je demande à Talia en haussant la voix pour être entendue malgré le chahut.

— Tu ne savais pas ! Elle est organisée tous les ans pour célébrer la fin des examens.

Nous passons à notre tour le portail, puis les portes de l'académie afin de pouvoir ouvrir un passage en dehors du champ magnétique.

— On se voit ce soir !

— Ok, à plus. Je réponds à la jeune fille juste avant qu'elle se fasse aspirer.

— Je te ramène, me propose Marcus derrière moi.

— Oui, merci c'est gentil.

Je le suis donc dans la faille puis Marcus rentre chez lui et moi chez les Wilson. Quand je m'approche de la maison je remarque que Chiara m'attend avec impatience dans l'entrée. Et dès qu'elle me voit elle s'exclame.

— Dépêche-toi ! Il faut que tu aies le temps de te préparer pour la fête !