Chapitre 10 • Amalgame

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Mes doigts frigorifiés à cause du contact permanent avec la neige, je tente de les réchauffer par le biais de mon souffle. Roméo le remarque, il enlève l'un de ses gants. Je le remercie d'un signe de tête.

— Imagine que tu aies la possibilité de faire tomber les gens amoureux de toi, mais seulement après les avoir embrassés. (Son souffle se projette dans l'air de la nuit.) Tu rencontres tes célébrités préférées, elles sont toutes célibataires. Quelle est ton excuse pour les embrasser qui ne te fera pas passer pour une folle fanatique ?

— Est-ce que ça importe réellement ? je réponds, amusée.

— Eh bien, as-tu envie de ressembler à une furie de psychopathe ?

— Non, mais je veux dire... Fais tout le nécessaire pour les embrasser, car une fois que tu l'auras fait, elles ne voudront pas porter plainte de toute façon.

— C'est vrai, j'aime bien ta façon de penser.

Mon esprit ne peut s'empêcher de se poser de nombreuses questions au sujet de la raison pour laquelle il me propose de tels dilemmes.

— Es-tu déjà tombé amoureux, Roméo ?

Il se tourne vers moi.

— Oui. Si tu savais comme j'étais fou amoureux d'elle. Elle s'appelait Mirage. (Ses yeux brillent au gré de ses souvenirs.) Je lui ai demandé de sortir avec moi sur un morceau de papier parce que j'étais trop timide pour le faire en face. Malheureusement, elle l'a froissé aussitôt avant de le jeter avec une telle force dans la poubelle que mon pauvre petit coeur s'est brisé en mille morceaux. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. (Il marque une pause.) Bon, peut-être que c'est parce que je n'avais que 8 ans et aucune dignité.

Je ne peux m'empêcher de pouffer de rire à sa dernière phrase. Dans la faible lumière émise par le réverbère à proximité, je discerne le bleu de ses yeux et la courbe de son demi-sourire.

— Es-tu déjà tombée amoureuse, Opal ?

— Je ne sais pas, je réponds sans rater un battement.

— Comment ça tu ne sais pas ?

— Je veux dire, je ne sais pas si ce que j'ai ressenti était de l'amour ou si c'était simplement de l'affection envers cette personne.

Je m'éclaircis la gorge.

— Eh bien, si tu n'étais pas certaine, c'est que ça ne doit probablement pas être de l'amour. (Il se retourne vers les étoiles.) L'amour est un sentiment fort. Lorsque tu es amoureux, tu le sais.

Je suis en pleine réflexion sur ses paroles que je n'ai à peine le temps de prendre conscience de son acte ; une boule de neige s'écrase sur mon nez.

Je me lève d'un bond.

— Roméo, je sors tout juste d'un putain de rhume ! je m'écris, les paupières à moitié closes à cause de la substance gelée qui voyage sur le blanc de mes yeux.

— Oh merde, je suis désolé !

Je peux deviner qu'il se lève à son tour, au son de la neige qui craque sous ses pas. Il s'approche de moi et glisse ses mains sur mon visage pour enlever les résidus de glace. Lorsque je peux enfin ouvrir les yeux je suis prise d'un sursaut par notre proximité. Il est si près que je sens sa respiration chaude s'échouer sur mon visage. Le contraste entre sa main gantée et ses doigts glacés embrase la surface de mes joues que la neige fondrait à coup sûr si elle entrait en contact avec celles-ci.

— Je peux essayer quelque chose ?

Sa voix est à peine audible, mon pouls me donne l'impression qu'un oiseau est coincé à l'intérieur de mes veines. Chacun de ses mots fait battre ses petites ailes dans la précipitation.

— Et, que veux-tu essayer ?

Il me regarde, les lèvres légèrement entrouvertes. Avant qu'un lent sourire ne se propage sur son visage. J'ai à peine le temps de réfléchir ne serait-ce qu'une fraction de seconde supplémentaires que ses lèvres se posent sur les miennes.

Tomorrow Never DiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant