Chapitre 14 • Parli Italiano ?

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— Bien, puisque personne ne lui fait honneur, je vais prendre un pamplemousse, annonce Roméo en appuyant exprès sur le dernier mot.

Nos fruits engloutis, des épluchures d'agrume et un trognon de pomme plus tard, j'attrape les assiettes pour l'aider à remplir le lave-vaisselle. L'orage semble plus régulier désormais, il envahit la pièce d'une intense lumière blanche toutes les trente secondes.

— Je ne savais pas que tu étais italien, je lance après un court silence.

— Je ne le suis pas, réfute-t-il. Mon grand-père l'était.

— Le même que celui qui a construit cette maison ?

Je lui donne une seconde assiette qu'il place au fond de l'appareil.

— Francesco Di Genova. Il s'est installé au Canada lors de l'émigration italienne au cours du XXe siècle.

— Je vois.

Je place les couteaux et fourchettes dans le panier à couverts, quand une question vient titiller ma curiosité.

— Est-ce que tu parles italien, Roméo ?

Il se redresse pour me faire face.

— À vrai dire, je parlais surtout quand j'étais plus petit. Lorsque je voulais confier des secrets à ma mère sans que mon père soit au courant. Mais, je connais une phrase en particulier que mon grand-père me répétait sans arrêt, il s'éclaircit la gorge. "Roméo, smettila di nascondere pacchetti di pasta sotto tuo letto !" Ce qui signifie, littéralement ; "Roméo, arrête de cacher des paquets de pâtes sous ton lit !"

J'arque un sourcil à cette traduction déroutante.

— Pourquoi, Diable cachais-tu des paquets de pâtes sous ton lit ?

— Il s'avère que j'étais plutôt gourmand étant enfant. Alors, pour être certain de ne jamais manquer de quoi que ce soit, ça m'arrivait de temps en temps planquer des paquets de pâtes sous mon lit. (Je ne peux m'empêcher de sourire à ses bêtises enfantines.) De toute manière, mon grand-père s'est rapidement rendu compte que le stock disparaissait plus vite que prévu alors cette petite manigance n'a pas duré bien longtemps.

J'enfonce le dernier couvert dans le bac, Roméo referme le lave-vaisselle pour le mettre en route.

— Eh bien, c'est une histoire peu commune.

— Je suis peu commun. Je veux dire, je suis fou de toute façon.

Sa manière d'être aussi rayonnant à n'importe quel moment de la journée me surprendra toujours. Si nous étions des étoiles, il serait l'étoile du berger, autrement dit la planète Vénus. Il brillerait plus fort et plus intensément que le reste.

Nous restons debout en silence.

Je pourrais presque affirmer que la pièce est diamétralement assourdie s'il n'y avait pas le grondement du tonnerre qui retentit à l'extérieur. Roméo jette un coup d'oeil à la commode du salon, avant de revenir vers moi.

— Est-ce que tu veux regarder un film ou quelque chose ?

Je secoue la tête.

— Je ne regarde pas de films.

— Tu ne regardes pas de films ? répète-t-il, incrédule.

— Je préfère lire un livre.

— Ne me dis pas que tu es en train de m'avouer n'avoir jamais regardé de film de ta vie ?

Je secoue la tête à nouveau.

— Si ! Bien sûr que si ! Je veux dire, lorsque je n'avais pas encore appris à lire. (Je hausse les épaules.) La plupart des films sont tirés de livres de toute façon.

Tomorrow Never DiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant