Chapitre 9 • Au Clair de Lune

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Le chagrin et la colère se balayent peu à peu de mon esprit, remplacés par un type d'engourdissement que je ne peux associer qu'à mon asociabilité. Ce matin, en buvant mon café j'ai proposé à Manelle de faire un tour au centre commercial. À vrai dire, je ne savais pas où aller d'autre.

Elle semblait surprise au premier abord, mais a bien vite accepté. Alors, j'ai pris une douche, je me suis habillée et je me suis brossé les cheveux. J'ai serré les dents à chaque fois que les extrémités sèches se recroquevillaient au moindre passage de ma brosse à travers les mèches couleur neige.

Et puis je me suis retrouvée à gambader dans Belleville Front Shopping Center, accompagnée de la brune. Cependant, je n'ai rien acheté sur place. Manelle et moi avons juste fait le tour du centre commercial, ça nous est arrivé de rentrer dans certaines boutiques et même d'essayer quelques vêtements.

Mais nous n'étions jamais assez satisfaites au point d'acheter quoi que ce soit.

Je n'ai pas eu de nouvelles de Roméo depuis vendredi soir.

Ce n'est pas comme si je m'attendais à en recevoir ; nous n'avons même pas échangé nos numéros de téléphone et nos rencontres perpétuelles au parc n'ont lieu qu'en semaine.

Il est minuit passé et je suis confortablement installée dans mes draps chauds. Mon corps absorbé par le matelas moelleux, les paupières closes. Je suis bien décidée à rattraper le sommeil de la veille. Du moins, jusqu'à ce qu'un bruit assourdissant ne retentisse à travers la pièce.

Sûrement de la grêle.

Mon front se plisse dans un froncement de sourcils. Cela m'étonne qu'il grêle déjà à cette période de l'année. Nous ne sommes pas encore en hiver et bien qu'il y ait déjà de la neige, la grêle quant à elle, n'apparaît pourtant pas avant le mois de janvier. J'essaie tant bien que mal de ne pas me focaliser sur le bruit en question. Mais c'est peine perdue. Je grogne et me redresse.

Ça provient de la fenêtre.

Mais ce n'est définitivement pas de la grêle.

Je saute de mon lit, agacée, ouvre mes stores d'une traite suivis de la fenêtre et me penche en avant. En bas, sur le trottoir, au pied de ma maison, se tient Roméo. Accroupi dans la neige, il attrape ce qui me semble être un caillou. Lorsqu'il finit par relever la tête, s'apprêtant à lancer sa trouvaille, il s'arrête aussitôt. La fenêtre étant désormais ouverte.

— Roméo, je ne t'ai pas donné mon adresse pour que tu viennes jeter des pierres à ma fenêtre au beau milieu de la nuit, je siffle, les dents serrées.

— Désolé.

Un sourire en coin s'empare de son visage, il ne semble pas du tout désolé.

— Bon sang, pourquoi faut-il toujours que tu te comportes comme le personnage avec qui tu partages ton prénom ?

— Aller, dis-le.

— Dire quoi ? je l'interroge dans un mélange d'agacement et de perplexité.

— La ligne.

Je comprends bien trop vite à quoi il fait référence tenant compte de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

— Même pas en rêve.

Il se racle la gorge, sa main droite se fraye un chemin jusqu'au centre de sa poitrine.

Je veux te prendre au mot. Nomme-moi seulement amour et que ce soit comme un autre baptême ! Jamais plus je ne serai Roméo.

— C'est ridicule.

Par aucun nom, réfute-t-il. Je ne saurai te dire qui je suis, puisque je hais le mien, ô chère sainte, d'être ton ennemi. Je le déchirerais si je l'avais par écrit.

Tomorrow Never DiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant