Aujourd'hui, nous sommes le 21 décembre. Autrement dit, c'est officiellement le premier jour de l'hiver. Ce qui signifie aussi que ce soir a lieu le repas chez Roméo. Pour être honnête, je n'ai pas envie de m'y rendre, mais ce serait impoli d'annuler à la dernière minute.
Alors, même si je ne peux nier la part d'inquiétude qui grandit au creux de mon estomac, je n'hésite pas une seconde sur ce que je m'apprête à porter ; un simple pull noir à manches bouffantes, parsemé de perles claires et un jean basique que j'enfile sans broncher.
Le rouge des feux de signalisation se brouille à travers la vitre. Une goutte de pluie glisse le long de la paroi en verre, puis une autre et encore une autre. Je m'amuse à suivre les gouttelettes du regard, acclamant que l'une d'entre elles remporte la course contre les autres. La météo a annoncé un orage cette nuit. Il faut bien s'avouer que ce n'est en aucun cas indéniable puisque le ciel est baigné d'un gris morne depuis le début de l'après-midi.
Après avoir fait une halte rapide chez le fleuriste, histoire de ne pas arriver les mains vides, je tourne sur Millenium Boulevard et farfouille dans mon sac pour trouver le papier sur lequel Roméo m'a inscrit son adresse. Je ne suis jamais venue ici auparavant, les maisons semblent plus colorées dans ce coin de la ville que n'importe quel autre.
Numéro 111, 110, 109... 108. Je me gare sur le trottoir, en face d'une maison jaune soleil aux volets bleu indigo, à quelques pas du Lac d'Ontario. Le toit est couvert d'un blanc écarlate, mais il n'est pas impossible qu'il aborde lui aussi une façade colorée lorsque la saison le lui permet.
Je ne parviens à déjouer le flot de pensées qui voyagent à travers mon esprit lorsque je verrouille la portière derrière moi. Je les tasse dans un coin de ma tête, il est trop tard pour faire marche arrière, la sonnette résonne déjà à l'intérieur de la maison. Un bruit familier bourdonne derrière la porte, des pas s'en approchent. La clé tinte dans la serrure et la porte s'ouvre enfin devant mes yeux. Je n'ai à peine le temps de visualiser l'intérieur du séjour qu'une énorme boule de poils me bondit dessus.
Un chien ?
— Tu es à l'heure.
Roméo est emmitouflé dans un sweat-shirt blanc cassé, ce qui est loin d'être surprenant car, avouons-le, il ne passe pas une seule journée sans en porter un.
— Eh bien, je n'avais pas de raisons d'être en retard, n'est-ce pas ?
Il ne répond rien, hoche simplement la tête avant de rapporter son attention sur le berger australien qui semble tout excité à l'idée de rencontrer une nouvelle personne.
— Berlioz, viens ici !
La bête poilue n'en fait qu'à sa tête, Roméo se voit contraint d'attraper.
— Excuse-le. Il est encore jeune et ne peut s'empêcher de sauter sur les nouvelles connaissances.
Je lui offre un sourire compréhensif. Roméo me fait signe de lui donner ma veste pour la ranger dans l'armoire de l'entrée, ce que je fais. Je profite de cet instant pour retirer mes bottes, tout en m'assurant de ne faire traîner aucun flocon de neige fondu à travers la maison. La chaleur me frappe lorsque je m'engouffre un peu plus dans la pièce. Une merveilleuse odeur émane de la cuisine.
— Opal, Dolcezza ! C'est bon de te revoir.
La mère de Roméo m'entraîne dans une étreinte inattendue. Tellement inattendue que j'en oublie même de la lui rendre. Je fais attention à ne pas écraser le bouquet de fleurs et resserre timidement mes bras autour d'elle.
Pourvu que je ne paraisse pas impolie.
Ses cheveux auburn coiffés dans un chignon bas, elle porte un simple chemisier blanc et un pantalon fluide. Son expression chaleureuse est si naturelle, je le vois à la façon dont les plis se forment aux coins de ses yeux verts. Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de remarquer que la teinte de ses yeux n'est pas d'un bleu océan, contrairement à ceux de son fils. Il doit avoir hérité ça de son père.
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Tomorrow Never Dies
RomanceUn petit banc en bois foncé au bord de Riverside Park, voilà où Opal se rend tous les soirs après les cours. Elle s'y assoit pour lire un livre, fumer une cigarette, ou bien tout simplement réfléchir. Opal a pour habitude de s'y retrouver seule, ma...