Chapitre 19 • Vérité Dévoilée

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Jeudi 1er janvier.

Nous sommes officiellement en 2021, bien que je n'aurais jamais imaginé passer le Nouvel An de cette façon-là. En fait, je n'aurais jamais imaginé ne pas le passer du tout. Je n'ai aucun souvenir de ce que j'étais en train de faire lorsque le pays tout entier faisait le décompte.

C'est comme si mon esprit s'était brisé en mille morceaux, et que je suis incapable de les ranger dans l'ordre chronologique. La seule image qui flotte à l'intérieur de ma tête, n'est autre que celle des lumières rouges et bleues de l'ambulance, qui s'éloigne au fur et à mesure que la sirène retentit à travers la rue sombre.

Je tourne lentement la tête pour faire face aux arbres de l'autre côté de la fenêtre, sans bouger d'un pouce. Peut-être que si je demeure immobile, je pourrais rester ici pour toujours. Parce que si je ne reste pas ici pour toujours, cela voudrait dire me lever et faire face au monde ; face aux regards désolés de mes parents, face au sourire réconfortant de Marzia et à ses promesses creuses sur le fait que tout va bien. Et je n'ai aucune envie de faire face au monde pour le moment. Je referme les yeux tout en enrobant mon corps dans la couverture. Il y a quelqu'un d'autre dont je ne suis pas encore prête à affronter le regard : Roméo.

Je me souviens de la façon dont une faible lueur crépitait dans les yeux de Marzia, alors que je patientais les bras croisés, comme si j'attendais la chute de la blague.

Mais force est de constater que ce n'en est pas une.

Roméo est à l'hôpital, puisqu'il est atteint d'un cancer des cordes vocales. J'ignore ce qu'il s'est passé hier soir pour qu'il se retrouve dans une telle situation. Mais à vrai dire, ce n'est pas ma plus grande préoccupation pour le moment. Je dois avant tout m'assurer qu'il va bien.

Bien.

Heureux.

C'est tout ce que j'ai besoin de savoir. Marzia m'a indiqué que les visites à l'hôpital commencent à partir de 10h, lorsqu'elle est montée dans l'ambulance avec le blond, me laissant seule, bouleversée sur le trottoir.

Je descends dans la cuisine, habillée. Mon père est occupé à lire le journal et ma mère est devant la télévision. Elle regarde je ne sais quelle série minable bourrée des rires pré-enregistrés qui retentissent toutes les deux secondes à travers les haut-parleurs de l'écran.

— Je vais à l'hôpital, je lance depuis l'entrée en enfilant mes chaussures dos à eux, je n'ai pas le courage d'affronter leur compassion.

— Bien sûr, ma chérie.

Marzia est déjà dans le couloir lorsque j'arrive, une vingtaine de minutes plus tard. Je sors de la cage d'escalier alors qu'elle referme la porte de la chambre derrière elle. Elle ne porte qu'une authentique veste en jean molletonnée et un sac à main en bandoulière. Son sourire convivial m'attire dans une étreinte chaleureuse. Je replace une mèche de cheveux derrière mon oreille.

— Comment se sent-il ?

C'est la première chose que je murmure à bout de souffle.

— Pourquoi ne vas-tu pas lui demander directement ? me sourit-elle.

Marzia donne un léger coup de tête vers la porte derrière elle. Je hoche la tête, rassemble un semblant de joie sur mon visage et prends une profonde inspiration. L'air se vide de mes poumons à chaque mouvement que je fais. J'avance vers la porte, ma main tremble en se soulevant vers la poignée.

Il est si proche, mais toujours si loin à la fois. Je n'ai aucune idée de ce qui m'apporte le courage nécessaire pour enrouler mes doigts autour de la poignée de porte qui s'ouvre en silence.

Tomorrow Never DiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant