Chapitre 21 • Amers Souvenirs

184 11 1
                                    

Je suis allongée à mi-chemin sous la couette, Roméo occupe le reste de la couverture. Ses yeux bleus s'ancrent dans les miens pour quelques secondes, mes pupilles naviguent sur chaque recoin de son visage. Je ne parviens à détacher mon regard de sa peau lisse. C'est quand il détourne finalement le regard que je le discerne replonger dans ses souvenirs.

— Tout a commencé le 17 décembre de l'année dernière, déclare-t-il. J'avais juste quelques maux de gorge. Ma mère a tout de suite pensé à une laryngite car après tout, qu'est-ce que ça pouvait bien être d'autre ?

Son ton est austère, agrémenté d'une once de chagrin. Bien qu'il essaye de le camoufler par un sourire rayonnant. Ses paroles sont profondes et râpeuses, elles semblent moins chaleureuses que d'habitude.

— En plus de ça, j'ai toujours eu un système immunitaire à chier. Tu ne peux pas savoir à quel point mes parents n'en pouvaient plus, quand j'étais petit, de me voir clouer au lit toute la journée avec 39° de fièvre.(Un bref sourire se dessine sur son visage en se remémorant ce souvenir.) Et puis on entrait dans la période hivernale alors ça n'avait rien d'étonnant. Maman m'a emmené chez le médecin, comme toujours. Il m'a prescrit une boîte d'antibiotiques, comme toujours, en me disant que ça devrait passer dans quelques jours, que j'avais juste attrapé froid.

— Mais ce n'est pas passé...

Roméo soupire tristement.

— Trois semaines plus tard, ma gorge me brûlait atrocement. Je suis retourné chez le médecin. Il m'a ausculté, avec son habituel bout de bois et sa petite lampe pour découvrir que j'avais une tache blanche au fond de la gorge. C'était quand même suspect alors il m'a fait un test, soulignant que ce n'était pas viral et que je pouvais donc rentrer chez moi sans me faire trop de soucis.

Roméo ferme les yeux avec force pendant quelques instants, comme s'il désirait effacer cette partie de sa mémoire.

— Le lendemain, ma mère a reçu un appel. Je me souviens, j'étais en train de manger mes cornflakes devant un vieil épisode de Bob l'Éponge quand le médecin lui a annoncé que j'avais une irritation des cordes vocales, et que je devais repasser dans quelques jours pour faire un scanner. Au fond, on n'était pas vraiment inquiets car ça ne semblait pas si grave et puis, je chantais beaucoup à l'époque donc après tout, rien d'anormal.

L'imaginer chanter me procure un pincement au cœur. Dire que tout cela s'est produit il y a à peine un an. Il devait être si serein, son rêve en première place dans sa tête, sans aucune idée qu'il allait être contraint de l'abandonner.

— Deux mois plus tard, le scanner révèle un dysfonctionnement de ma corde vocale droite, il déglutit, le regard fixe. Un nodule l'empêchait de bouger, ce qui explique pourquoi ma voix était de plus en plus faible et enrouée. Je ressentais comme un poids dans ma gorge. Comme quand tu te retiens de pleurer et qu'une boule vient s'y former. Le médecin nous a encore une fois répété que ce n'était pas grave. "Sûrement une infection" a-t-il dit avant de me prescrire des anti-inflammatoires pour calmer l'irritation. En plus d'un autre scanner, cette fois-ci du thorax, qui s'est, quant à lui, révélé négatif.

Il remet ses cheveux en place d'un rapide coup de main et je suis tout à coup intriguée par la manière dont la couleur de ses yeux s'éclaircit quand les phares d'une voiture projettent un éclairage différent dans la pièce.

— Mi-avril, la brûlure se faisait de plus en plus ressentir. J'avais les larmes aux yeux rien qu'en déglutissant. Je ne pouvais plus manger correctement ce qui m'a entrainé dans une grosse perte de poids. J'ai perdu plus de huit kilos. Ma mère s'inquiétait beaucoup et c'est pour ça qu'elle a pris la décision d'appeler le médecin d'urgence. (Il tourne la tête vers moi.) Je ne la remercierai jamais assez de l'avoir fait, sans ça on n'aurait jamais vraiment décelé ce que j'avais. Le soir même, j'ai passé une endoscopie, ce qui consiste à introduire un tube dans le nez pour ausculter le larynx et le pharynx. Pas très agréable tu me diras, mais ce n'était rien comparé à la douleur naissante que je ressentais, soupire-t-il. Mais ça ne s'est pas arrêté là.

Tomorrow Never DiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant