— Bonjour, un chocolat viennois supplément crème fouettée caramel, s'il vous plaît.
La machine à café bourdonne doucement, elle efface les bavardages d'un groupe d'adolescents installés dans un des coins.
Pour la première fois depuis longtemps, je n'ai aucun chemin à suivre, aucun cours à entreprendre. Mais, mon esprit s'égare toujours au même endroit ; l'endroit où tout allait bien. Une douleur incroyable me transperce le cœur à chaque fois que je songe à y retourner. Mais je la repousse, je la camoufle parmi le tas d'émotions qui virevoltent au fond de ma poitrine. Le serveur me remet ma boisson en échange de quelques pièces de monnaie.
Une vague de chaleur me submerge, je frissonne à ce contact inattendu. Au moins, c'est quelque chose de différent de l'engourdissement dans lequel je trempe depuis ces sept derniers jours ; un sentiment réel en plus de l'agonie.
Roméo n'avait pas tort au final, ce chocolat n'est pas si mal en fin de compte. Bien qu'il soit beaucoup trop sucré pour une accro au café comme je le suis.
Il n'y a qu'un seul endroit au monde où je peux ouvrir ce carnet.
Mon chocolat en main, je prends le chemin que je ne connais que trop bien, en direction du carrefour de Marsh Drive et McFee Street. Contre toute attente, les rues sont désertiques à cette heure de la journée. Je me retrouve seule, à marcher sur le trottoir.
Parfois, une voiture passe. Les phares allumés, elle éclaire les vitrines des magasins qui se reflètent dans les flaques d'eau qui bordent la route.
Le parc est encore recouvert d'une fine couche de givre, que les nouveaux rayons de soleil n'ont pas réussi à vaincre aujourd'hui. Mon souffle se dessine dans l'air froid.
C'est peut-être juste un parc à l'intérieur d'une ville dans l'état d'un pays, d'un continent. Il n'est peut-être pas célèbre comme celui du Yosemite en Californie ou bien Central Park à New York. Peut-être qu'il ne présente rien de spécial pour les autres, mais c'est le mien.
C'est mon parc.
Notre parc.
Alors, je m'assieds sur le petit banc en bois dans l'habituel grincement qui accompagne ce geste, puis je libère le carnet de mon sac à main pour le placer sur mes genoux. Je m'attends à ce que Roméo m'ordonne d'arrêter de fumer ou qu'il me demande ce que je suis en train de lire, pour au final me dire que les héros sont nuls de toute façon.
Mais inutile de préciser qu'il ne le fait pas.
Il n'est plus là.
Et il me manque terriblement.
Chaque fibre et chaque centimètre de son corps me manque. Ça fait sept jours depuis la dernière fois que j'ai entendu le son de sa voix. Sept jours depuis que j'ai touché ou même embrassé sa peau. Et cela me hante de savoir que plus jamais, je ne le ferai à nouveau.
Le cuir brun qui recouvre le journal est doux. Je passe mes doigts sur la couverture. Il est facilement remarquable qu'il a souvent été utilisé ; les pages sont émiettées, offrant au petit journal un aspect épais et rempli de mots. La lumière danse sur la surface marronnée de la couverture, elle le rendrait presque magique. Je ne parviens plus à détourner le regard, fascinée par l'idée de ce qu'il peut bien se cacher à l'intérieur. Il picote la surface de mes doigts et ma curiosité.
Sans réfléchir davantage, je l'ouvre à la volée, tout en maintenant fermement la couverture entre mes mains. C'est comme si j'avais peur de briser la magie si jamais il venait à glisser d'entre mes doigts. Mes yeux survolent les premières lignes et mon souffle se coupe lorsqu'ils s'arrêtent sur le post-it dont Marzia m'a parlé. Mon prénom est inscrit de la plus grande délicatesse. Je suis reconnaissante, à cet instant, que le réverbère suspendu au-dessus de ma tête, illumine les mots encrés. Tout ce que je vois à présent, ne sont que des images qui clignotent devant mes pupilles dilatées.
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Tomorrow Never Dies
RomanceUn petit banc en bois foncé au bord de Riverside Park, voilà où Opal se rend tous les soirs après les cours. Elle s'y assoit pour lire un livre, fumer une cigarette, ou bien tout simplement réfléchir. Opal a pour habitude de s'y retrouver seule, ma...