Chapitre 27 • Ne Jamais Dire Jamais

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Jamais je n'aurais cru que ce jour arriverait.

Bien sûr, au fond de moi, je le savais. Mais c'est comme l'espoir qu'on porte envers le père Noël ou la petite souris, étant enfant : on sait qu'ils n'existent pas, mais on met tout en oeuvre pour qu'il le fasse. Parce que l'espoir fait vivre, et quand il n'y a plus d'espoir, rien ne sert de se cacher de la vérité.

— Détresse respiratoire. (Le souffle saccadé de Marzia s'échoue à l'autre bout du fil.) Des métastases ont atteint ses poumons.

— Est-ce que... Est-ce que je peux le voir ?

Je ne comprends pas comment ma voix demeure si calme et stable alors que mon intérieur ressemble actuellement à la partie la plus dangereuse de l'océan, les vagues aussi hautes que des gratte-ciel.

— Bien sûr ! C'est ce qu'il aurait souhaité de toute façon.

Mon cœur se brise à chaque expiration trépidante qui sonne rauque à travers le combiné.

Mes mains tremblent à tous ses verbes qu'elle exprime au passé.

Pourquoi parle-t-elle de Roméo au passé ?

Il ne me faut pas plus de quelques minutes pour mettre fin à l'appel et enfiler mes bottes dans l'entrée. Le carrelage de l'hôpital défile à grande vitesse sous mes semelles. Après le nombre de fois où je suis venue accompagner Roméo à ses contrôles hebdomadaires, je pourrais presque affirmer que je connais le bâtiment aussi bien qu'il le fait lui-même.

Mes membres flageolent quand je salue Marzia, plantée devant l'une des chambres, les yeux rougeâtres. Son maquillage s'est estompé, ravagé par les larmes qui ont sans aucun doute coulé plus tôt. La chaleur monte d'une manière menaçante derrière mes propres paupières. Je serre les mains si fort que mes avant-bras oscillent sous la surcharge.

Immobile, je réussis d'une manière ou d'une autre à toquer à la porte, à bout de souffle. Mon esprit s'éteint ; tout ce que je pense à cet instant, c'est le simple fait qu'il soit encore là. Ses lèvres se courbent dans un sourire déchirant qui me donne l'impression de tomber d'un endroit terriblement haut.

Il est malade.

Vraiment malade.

Je peux l'affirmer rien qu'en le regardant, même si j'essaie d'ignorer tant bien que mal les signes de son épuisement. Ici, dans la pièce éclairée, sa peau ressort plus claire que d'habitude à l'exception du contour de ses yeux. C'est pourquoi il est si facile de distinguer les cernes sous ses paupières. Ils créent un contraste encore plus fort avec le reste de son visage et ses iris pâles.

Je trouve son expression bien changée sans le sourire qui l'éclaire habituellement. Le bleu de ses yeux est plus terne que d'habitude, comme la mer après une tempête violente. Je souhaiterais si fort m'y noyer à nouveau.

Mais cette fois ce n'est pas parce qu'ils sont si beaux ou si accueillants. Je désire me perdre en eux pour ne plus jamais avoir affaire à la triste réalité. Je me suis constamment retrouvée à vouloir me perdre pour ne plus être contrainte d'affronter ce qui m'entoure. Et ses yeux sont de loin mon échappatoire favorite.

Mais force est de constater qu'il est à présent moins vif, moins énergique, moins Roméo. Je ne discerne plus aucune trace du rougissement qui danse au quotidien sur ses pommettes ou même celle des lignes de sa peau qui racontent l'histoire d'au combien il souriait.

C'est comme s'il était déjà parti.

Mais Roméo est bien là, il gonfle mon cœur d'une lueur d'espoir, bien que ce soit le pire sentiment à ressentir en ce moment précis. De toute évidence, le déni n'a jamais été un ennemi ; à vrai dire, c'est mon meilleur ami. Alors je lui jette un simple coup d'oeil, ne sachant pas quoi dire, quoi faire.

Tomorrow Never DiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant