Chapitre 8 • L'envers du décors

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Affirmer que je n'ai pas bien dormi serait un euphémisme ; je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. La peur me tranche comme une lame et les pires scénarios se mettent à ramper à travers mon esprit, chaque pensée plus terrifiante que la précédente. Tous les sentiments de paix ou de réconfort que la soirée de l'exposition m'a apporté, s'évaporent comme la pluie sous le soleil du désert.

Roméo est atteint d'un cancer.

L'atmosphère s'épaissit, le mot résonne à mes tympans. Je ne sais pas si je dois être troublée, en colère ou surprise. En fait, je pense que je suis les trois en même temps. La culpabilité emplit mes poumons.

Comment l'a-t-il si bien caché ?

Son sourire est sans effort, ses yeux brillent d'un engouement incomparable pour sa propre vie et celle de son entourage. J'aurais dû le savoir. J'aurais dû m'en douter quand il me réprimandait de fumer une cigarette ou bien même lorsqu'il me souhaitait d'être en bonne santé.

J'aurais dû le savoir.

Je me sens tout à coup égoïste à ce sujet.

Encore une fois, la réalité revient au grand galop pour me hisser de mon océan de l'imagination par le col de ma chemise, me sauver de la noyade de mes rêveries. La porte de ma chambre s'ouvre dans un léger grincement.

— Tu vas me dire qu'il faut que je me lève, n'est-ce pas ? Je lance depuis mes draps chauds.

Je suis d'ailleurs étonnée que ma mère m'ait laissée dormir tout ce temps. En fait, je somnole sous ma couette, les yeux rivés au plafond. Je ne suis pas sortie de ma chambre depuis que je suis rentrée hier soir et même s'il est probablement midi passé, je n'ai aucunement l'intention de bouger. Elle s'approche de moi, referme la porte derrière elle :

— As-tu envie de te lever ?

— Non, jamais.

Lorsque je suis rentrée de l'exposition de bandes dessinées, je n'ai prononcé aucun mot sur le chemin jusqu'à ma chambre. Ma mère est venue quelques minutes plus tard pour s'assurer que j'allais bien ; ce n'est pas de mon habitude de partir me coucher sans dire un mot.

En fait, rien de ce que je fais ces derniers temps n'est de mon habitude.

Quoi qu'il en soit, j'ai fini par tout lui raconter. Cela faisait mal de le dire à haute voix, c'était atroce, mais j'avais besoin de le dire. Si je laisse ces mots nager dans mon esprit trop longtemps, je me noierai à coup sûr.

Et puis, je sais que ma mère a toujours été très à l'écoute, elle n'est pas psychiatre pour rien.

— Comment aurais-je pu ne pas le savoir ?

Ma voix est faible, je me redresse alors qu'elle s'installe à mes côtés.

— Ce n'est pas de ta faute. Déclare-t-elle en passant ses doigts dans mes cheveux fins. Certaines personnes sont vraiment douées quand il s'agit de dissimuler quelque chose.

— Qu'est-ce que je vais faire ? je souffle, sa main tombe de mes cheveux.

— Je vais te dire ce que tu vas faire. (Elle se lève pour ouvrir mes stores, la lumière m'aveugle, je ferme les yeux.) Tu vas te lever, quand tu seras prête, et je vais te préparer un café.

— C'est tout ?

— Pour l'instant, oui. Tu pourras décider de ce que tu veux faire ensuite, pendant que tu boiras ce café.

Un soupir s'échappe de mes lèvres, je hoche la tête.

Aujourd'hui sera une longue journée, je songe en quittant mes draps.

Tomorrow Never DiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant