— Bon sang, tu as mis beaucoup trop de farine ! je m'écris à travers la cuisine.
— C'est pas grave, ça en fera plus !
Roméo ne prête même pas attention à mon regard noir et continue de verser paisiblement la poudre de blé au fond du saladier.
— Roméo, tu ne peux pas juste ajouter de la farine en t'attendant à ce que ça fasse plus de pâte, il faut aussi ajouter les autres ingrédients pour que ce soit proportionnel.
L'étonnement s'empare de ses traits, comme si je venais de lui expliquer un problème de mathématiques impossible à résoudre.
— Sérieusement, comment se fait-il que tu ne saches toujours pas comment fonctionne une recette à 19 ans ?
— J'ai toujours préféré manger plutôt que de confectionner la nourriture.
Il combat un sourire de courber ses traits lorsque je roule des yeux à sa réflexion. J'ajoute deux œufs ainsi que cinquante grammes de beurre, afin d'équilibrer la monstrueuse quantité de farine. Tout au long e la recette, je veille à interdir l'accès au saladier à Roméo, pour ne pas qu'il ajoute pas une nouvelle quantité astronomique de farine contre mon gré.
— Tu n'as qu'à faire fondre le chocolat en attendant, je lui propose, tout en remuant énergiquement la pâte qui présente désormais une texture lisse et aérée.
Roméo acquiesce depuis le comptoir. Il se lève pour attraper les plaques de chocolat noir dans le placard derrière moi. La pièce se révèle hâtivement calme pendant quelques minutes, je n'entends plus le bruit de la lame du couteau sur la planche à découper, ni même celui du micro-onde dans mon dos.
— Roméo ! (Un hoquet de surprise s'échappe de sa bouche.) Je t'ai demandé de faire fondre le chocolat, pas de le manger !
— J'y peux rien s'il me fait de l'oeil ! répond-il sur la défensive.
— Sors de cette cuisine, je lance avec sévérité, mais il ne bouge pas d'un pouce. Sors de cette cuisine !
— OK, OK. J'y vais.
Roméo lève les bras en l'air dans un signe d'innocence, je rapporte mon attention sur le saladier. Du moins, jusqu'à ce que le bout de son doigt plonge grossièrement dans la pâte, sous mes yeux médusés.
— Espèce de...
Je m'apprête à le frapper pour le faire reculer, mais il est déjà de l'autre côté du comptoir où il prend place, un sourire radieux peint sur ses lèvres pêche.
— Tu sais, si tu manges toute la pâte maintenant, il y aura moins de gâteau.
Je m'installe en face de lui pour glisser le chocolat dans un récipient.
— On peut toujours rajouter de la farine.
— N'y penses même pas !
Roméo me répond par un rire aux éclats, tandis que je lance le micro-onde pour deux minutes à puissance moyenne. Lorsque je me retourne, il est accoudé à la table, le menton en équilibre sur ses mains croisées.
— Avoue-le, la pâte est toujours meilleure que le gâteau en lui-même, de toute façon.
— C'est que ton gâteau n'est certainement pas réussi.
— Oh, détrompe-toi. Tu sais que j'ai déjà gagné des concours de pâtisserie quand j'étais petit.
— Quel type de concours n'as-tu jamais remporté, dis-moi ?
Il réfléchit un instant.
— Ceux qui consistent à avaler la plus grande quantité de M&M's en le moins de temps possible. Je finissais toujours par m'étouffer avant la fin.
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Tomorrow Never Dies
RomanceUn petit banc en bois foncé au bord de Riverside Park, voilà où Opal se rend tous les soirs après les cours. Elle s'y assoit pour lire un livre, fumer une cigarette, ou bien tout simplement réfléchir. Opal a pour habitude de s'y retrouver seule, ma...