Chère Opalee,
Tout d'abord, excuse-moi si cette lettre n'est pas à la hauteur de tes attentes de petite littéraire en herbe, je vais faire de mon mieux. Je ne veux pas recommencer à écrire plusieurs fois jusqu'à ce qu'elle atteigne la perfection, je souhaite simplement qu'elle soit le plus authentique possible. Alors, voilà.
Je ne sais même pas par où commencer à vrai dire. Bon, peut-être que débuter par notre rencontre serait le plus juste.
Alors, te rappelles-tu du jour où nous nous sommes rencontrés ?
Tu étais assise sur ce banc à côté de moi, une cigarette entre les lèvres. J'ai tourné la tête et je t'ai regardé. Tes cheveux tombaient sur tes épaules te protégeant du monde extérieur. Ce fut d'ailleurs la première chose que j'ai remarqué, tes cheveux, blancs comme la neige.
Original, étrange, mais original.
Mais tu sais ce qui était encore plus original ?
Ce fut tes yeux. Noisettes au premier abord, mais la tache bleue sur l'un d'entre eux faisait toute la différence. Je pourrais même ajouter que c'est l''un des détails qui m'ont fait tomber amoureux.
Bref, je m'égare un peu, où j'en étais déjà ?
Je suis certain qu'à cet instant tu es en train de plisser les yeux pour décrypter ce que j'écris, tu me charriais toujours sur mon écriture et ça me manquera.
Beaucoup de choses me manqueront. Comme ton petit rire lorsque je faisais une blague idiote, au fond de moi je n'ai jamais su si tu riais vraiment pour la blague ou si c'était juste pour me faire plaisir.
Si c'est le cas, je ne t'en veux pas, après tout, mes blagues n'équivaudront jamais les tiennes. (oui, j'ai cherché ce verbe dans un dictionnaire).
Parlons-en d'ailleurs, des blagues de blond que tu faisais sur moi. Elles aussi me manqueront, je prétendais toujours être offensé, mais en réalité, j'aimais ça.
Sans oublier les gâteaux d'anniversaire que tu faisais incroyablement bien. C'est ça que j'aime chez toi, tu ne cuisines pas souvent, mais le peu que tu sais faire est délicieux !
Je t'aimais et c'est toujours le cas.
Tu arrivais tout le temps à me faire sentir mieux et même si on se prenait la tête de temps en temps, tu étais la première à résoudre le problème. Tu as toujours été bien plus forte que moi et je détestais ça, je déteste ça. Je déteste le fait que je n'aie pas pu faire autant d'efforts pour toi que tu en as fait pour moi.
Je me rappelle du jour où tu m'as dit que tu voulais une histoire d'amour comme dans les livres. Je me sentais mal parce que je savais très bien que je ne pouvais pas t'offrir ça. J'ai pourtant essayé, ma tentative a échoué mais tu as ri, tu m'as embrassé, et tu m'as dit que tu m'aimais comme j'étais. Enfin, plutôt comme Minnie aime Mickey.
Au fait, je n'ai pas pu te présenter mon talent en construction de châteaux de sable, mais j'ai retrouvé une photo de mon premier concours, j'ose espérer que tu seras impressionnée.
Enfin bref, revenons à nos moutons. Le jour où je me suis rendu compte que j'étais amoureux de toi fut le jour où tu as appris que j'étais malade.
Pendant un moment tu voulais oublier ce qui était en train de se passer, oublier qui j'étais, prétendre que tout ça n'est jamais arrivé.
Je ne supportais pas de te voir dans tous ces états alors j'ai fait comme si tout allait bien. Je t'ai même menti pour te rassurer, te protéger de la vérité. Mais tu as fini par l'apprendre, et tu étais tellement furieuse contre moi et contre le monde dans lequel nous vivions.
Pourquoi fallait-il que tout ça t'arrive à toi ?
Tu te souviens du soir où j'ai frappé à ta fenêtre en plein milieu de la nuit pour faire un tour dans le parc ?
Et bien ce soir-là, quand l'étoile filante a traversé le ciel, j'ai souhaité que ton rêve se réalise. Et même si je ne serais probablement plus là pour le voir, je suis fier de toi, Opal. Je crois en toi et tu devrais en faire autant parce qu'il n'y a aucune raison que tu échoues, parole de scout.
Bon je n'ai jamais été chez les scouts, mais tu m'as compris.
Tu sais, je n'ai jamais été quelqu'un de très exigeant, tout ce que je voulais c'était vivre comme un garçon normal le ferait.
Connaître la joie d'avoir son premier appartement, pour en fin de compte être submergé par toutes les factures sans même savoir comment les régler. Je voulais juste vivre, sans avoir à me soucier de ce qu'il pouvait bien m'arriver plus tard.
Et grâce à toi j'ai réussi.
J'ai oublié tous mes problèmes, oublié cette affreuse douleur que je ressentais au fond de ma gorge et j'ai vécu. J'ai vécu quatorze semaines les plus incroyables les unes que les autres, et tout ça c'est grâce à toi.
Sache que tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent restera à jamais gravé dans ma mémoire.
Alors, merci Opal.
Merci d'avoir croisé mon chemin dans ce parc ce mardi 28 novembre à 16h30.
Merci d'avoir fait partie de ma vie, aussi courte soit-elle.
Je te souhaite tout le bonheur du monde, sincèrement. Je te dois bien ça. Je refuse que tu sois triste. Vis ta vie à fond et ne te retourne pas en arrière, le passé reste derrière toi. Je ne te demande pas de m'oublier pour autant, tu as le droit de repenser à ce qu'on a vécu, mais uniquement si tu le fais avec le sourire. L'image de la moindre trace de chagrin sur ton visage me briserait le coeur. Je ne veux pas que tu sois cette fille dont tout le monde à pitié parce que son petit copain est mort, tu n'es pas que ça.
Tu es bien plus que ça.
Un jour, quelqu'un m'a dit qu'il était possible d'aimer une personne même si deux mondes les séparent.
Dans ce cas, Opal, je t'aime.
Je t'aime du plus profond de mon coeur.
Je t'aime comme Roméo aime Spiral.
Et si un jour, tu ressens le besoin de pleurer, rappelle-toi que la vie est bien trop courte pour ne pas en profiter à fond.
Alors si tu ne le fais pas pour toi, fais-le au moins pour moi.
Con tutto l'amore che ti devo,
Avec tout l'amour que je te dois,Roméo
PS : Tu sais, on dit souvent que demain ne meurt jamais, mais parfois, il meurt malgré tout, et on ne peut rien faire contre ça.
Je prends une profonde inspiration puis replie la lettre avec délicatesse.
J'attrape la photo qui se trouve derrière la page avant de refermer mollement le carnet sur lui-même.
Au premier plan se trouve un gigantesque château de sable, Roméo se tient derrière celui-ci, ses lèvres courbées dans un immense sourire tandis qu'une médaille repose sur son petit corps. Il ne devait pas avoir plus de 8 ans et je me mets à sourire à mon tour devant le reflet que m'offre le papier glacé.
Tous mes gestes semblent à présent jouer au ralenti tandis que je me penche contre le dossier du banc, les yeux clos. Le bout de mes doigts glisse une dernière fois sur la couverture en cuir.
Un seul mot parvient à ramper à travers mon esprit ; merci, Roméo.
Merci pour tout.
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Tomorrow Never Dies
RomanceUn petit banc en bois foncé au bord de Riverside Park, voilà où Opal se rend tous les soirs après les cours. Elle s'y assoit pour lire un livre, fumer une cigarette, ou bien tout simplement réfléchir. Opal a pour habitude de s'y retrouver seule, ma...