29 Septembre

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Evan se mordillait l'intérieur de la joue, nerveux et soucieux, alors que ses chevilles le démangeaient et que son œil le chatouillait.
Silencieux, il écoutait le tic tac régulier de la vieille horloge qui trônait au milieu du salon de sa grand mère, concentré sur son envie pressante d'aller aux toilettes et sur les fourmis qui lui avaient envahi sa fesse droite.
Dès qu'il percevait un son, un raclement ou une porte qui grinçait, il retenait sa respiration, une partie de son cerveau priant pour qu'il ne soit pas repéré et l'autre à deux doigts de faire un bruit d'animal pour attirer son ami.
Il adorait jouer à cache cache, encore plus quand c'était avec son groupe d'amis. Mais il n'avait jamais autant apprécié une partie que celle-ci.
La maison de contremaître de sa grand mère, qui vivait seule dans une si grande bâtisse, offrait tellement de cachettes possibles, qu'il avait pris plus de temps à trouver la bonne qu'a s'y installer.
Puis, il s'était souvenu d'une fois où son grand-père lui avait montré l'intérieur mécanique de l'horloge ancienne. Il avait été tellement fasciné et totalement excité a l'idée d'en savoir plus sur ces immeubles en bois, qui touchaient presque le plafond, qu'il avait passé presque un été entier à observer son grand père, remonter des horloges, remplacer des pièces et leur donner une seconde vie.

Il s'asseyait sur le rebord de l'établi, ses jambes croisées, trop mince dans sa salopette en jean, et il se penchait en avant, restant silencieux, alors qu'il rêvait que de rire quand le vieil homme relevait la tête vers lui, le dévisageant à travers son monocle loupe, qui grossissait son œil, lui donnant un air de cyclope. Papi Mike n'était pas très bavard, et il n'avait jamais eu besoin de l'être.
Evan l'observait et apprenait sans même qu'il ne lui explique, se contentant de faire des gestes lents et précis, qui pouvaient même être démesurément exagérés parfois.

De temps à autre, l'ancien horloger demandait à son petit fils de lui tendre une clé à molette, un tournevis ou un serre vis, et Evan ne se trompait que rarement, ayant voué un point d'honneur à connaître parfaitement les outils pour, lui aussi, participer à l'art du remontage d'horloge.

Quand il leva la tête, pour voir le pendule qui se balançait au dessus de lui, il se demanda si la pointe le tuerait si elle venait à tomber, et rien que cette idée, lui donna subitement envie de sortir de là rapidement.
Mais le désir de remporter cette partie était plus fort, et il se contenta de resserrer ses jambes contre lui et de coller son œil au trou de la serrure.

De temps à autre, il percevait l'ombre furtive de TK, qui passait à seulement quelques centimètres de lui, sans le voir, et il retenait son souffle, avant de pouffer silencieusement face au désarroi de son meilleur ami.

Quand il passa dans le salon, pour la sixième fois, cette fois il semblait qu'il avait trouvé l'un des joueurs, qui marchait derrière lui, bougon mais également attentif pour lui aussi trouver ceux qui s'étaient cachés.

Evan était resté assis dans cette horloge près de vingt minutes, ne sentant plus ses jambes et commençant à s'ennuyer fortement.
Sa détermination était toujours intacte, mais la douleur dans sa fesse gauche lui rappela, l'espace d'une seconde, qu'il devait bouger, histoire de soulager son muscle.

Et il avait fallu que ce soit à cet instant précis, que son meilleur ami prenne la décision de repasser pour la dixième fois dans le salon.

Quand ce dernier ouvrit la porte en bois de la grande horloge, Evan ne pouvait pas vraiment cacher sa déception, mais il paraissait aussi soulagé d'enfin pouvoir étendre les jambes.
Et il commençait à se sentir à l'étroit dans le noir.

Il n'avait jamais été très à l'aise dans les petits endroits où ses deux épaules touchaient les deux parois, mais il avait vécu avec sans vraiment s'en inquiéter, car en grandissant, il avait appris à vaincre ses peurs.

War of MemoriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant