15 Septembre

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"Pourquoi vous me parlez de lui"

Le ton avec lequel il posa cette question, était sec et brutal, plus qu'il n'aurait pu l'espérer et il la vit frissonner, mal à l'aise.

Elle se tortilla sur son assise, hésitante à l'idée d'enchaîner, et Evan n'avait pas regardé l'horloge depuis un moment, mais il devina bien, qu'ils avaient dépassé le temps de la consultation.

"Parce que...Reprit-elle un peu de contenance. Vous êtes bloqué dans le passé par ce souvenir, et le meilleur moyen de s'en dégager, c'est de s'en débarrasser. J'aimerais vous aider si vous me laissez faire.

-Tyler n'appartient pas à mon passé, déclara t-il, lui lançant un regard foudroyant. Il est constamment dans ma tête et chaque jour qui passe, je ne peux pas penser à autre chose qu'à ce qu'il s'est passé. Mais vous êtes là, à prétendre pouvoir m'aider à oublier, alors que je n'en ai pas la moindre envie. Il faudrait être foutrement con et égoïste pour oublier son meilleur ami et encore pire de prétendre pouvoir continuer à vivre sans se souvenir de ce qu'il s'est passé ce jour-là. Alors ne me sortez pas des conneries pareilles, dites les à vos autres patients si ça vous chante, mais pas à moi. J'ai autre chose à faire que perdre mon temps à écouter des mots aussi stupides que les votres."

Il s'était levé et avait attrapé sa veste d'un geste vif et brusque. Le docteur Manning avait même craint se le prendre en pleine face alors qu'il s'était subitement rapproché d'elle.

Mais il ne la frappa, ne la regarda même pas, se contentant seulement de se pencher vers elle et de la pointer du doigt.

"Arrêtez de faire comme ci vous pouviez comprendre la douleur d'une personne alors que visiblement, ce n'est pas le cas."

Quand il quitta le cabinet du docteur Manning, les patients dans la salle d'attente tournèrent la tête vers lui, et il les incendia du regard, leur faisant détourner la tête et les forçant à s'occuper de leurs propres affaires.

Puis, quand il jeta un œil à la porte fermée dans son dos, il perçut le raclement de chaise qui frottait le sol et leva les yeux au ciel, écoeuré à l'idée que tout le monde ait entendu ce qui s'était passé plus tôt.

Secret professionnel, qu'ils disent tous.

En sortant du bâtiment, il plongea les mains dans le fond des poches de sa veste et marcha tête baissée, capuche sur le crâne.

Il croisa des gens, tous obnubilés par ce qui se passait sur leurs écrans de téléphone, tellement happés par les réseaux et ce qu'un si petit truc pouvait bien leur apprendre, qu'ils manquaient tous de le percuter et de renverser leurs cafés bouillants sur lui. Si ça devait arriver, il n'arriverait même pas à s'énerver, se contentant seulement de continuer à avancer, sans prêter attention au liquide brûlant qui avait tâché son t-shirt.

Il était fatigué à l'idée d'avoir à se battre contre des choses si inutiles et épuisantes, qui ne menaient jamais à rien. S'énerver après un idiot qui n'était pas foutu de marcher droit ne faisait même plus partie de ses priorités.

La plupart des passants grognaient ou parlaient fort, sans se soucier de la paix des autres autour d'eux, mais Evan n'y prêtait plus attention depuis longtemps. Il ne savait pas comment il avait réussi, mais il avait appris à ignorer les bruits qui l'entouraient, et il y était devenu très fort. On pouvait lui parler pendant une demi-heure sans qu'il ne s'en rende compte, s'il n'était pas décidé à écouter et à s'intéresser à ce qu'on lui disait.

C'était presque devenu une partie de lui avec laquelle il vivait chaque jour, pouvoir prétendre ne pas se mêler des affaires des autres, et continuer sa vie comme si le sort des inconnus ne lui importait pas. Mais quelque chose avait changé dans son habitude, et ces derniers jours, c'était devenu dérangeant.

War of MemoriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant