War of Memories

8 Novembre

Les images diffusées à la télé étaient décalées par rapport au son qui sortait dans les enceintes à l'arrière de l'écran de cinquante centimètres. Au début, ça n'avait pas posé de problème à Evan qui n'avait jamais vraiment fait attention à ce que la télévision pouvait bien partager comme produits de beauté, jouets pour enfants ou nouvelles voitures polluantes. Mais quand son propre visage, serré dans un cadran de quelques centimètres glissé dans le coin supérieur droit de l'écran était apparu, il s'était redressé sur son siège, et avait avancé les genoux, concerné.
Il ne se souvenait pas de cette photo, elle était beaucoup trop vieille pour ça. Maddie avait dû refuser de fournir une de ses photos personnelles à la police alors ils avaient décidé d'en choisir une qui était répertoriée. Il ne savait pas si c'était celle de son passeport, son permis ou sa carte d'identité, mais quoi qu'il en soit, s'il y avait bien une chose avec laquelle il était d'accord avec tout le monde, c'était que la plupart des gens étaient terriblement laids sur leurs photos officielles.

Sur celle-ci et comme sur toutes celles qu'il avait déposées à la mairie, il donnait l'impression d'être tout juste sorti de prison. Ça collait bien avec le gros titre qui défilait en bas de l'écran, cachant les mains de la présentatrice, boudinée dans un chemisier rose fluo et une veste noire boutonnée jusqu'au dessous de sa poitrine, parce que plus haut, ils auraient sûrement sauté.

« Attaque à l'Université de Californie: le complice présumé aperçu à Seattle. »

Voir les lèvres de la présentatrice s'agiter à un rythme calculé sans qu'il ne puisse comprendre à quoi ses paroles faisaient référence l'énerva au plus haut point et il se leva, enfonça les mains dans ses hanches et crispa les lèvres. Machinalement, son doigt pressa le bouton du volume et il semblait que ce soit la seule chose qu'il manquait au vieil appareil pour réajuster l'image et le son.

« Les victimes, aujourd'hui élevées à 17, seront honorées lors de l'après midi du 10 Novembre, par un discours tenu par le président Joe Biden à l'Université où plusieurs centaines d'adolescents ont été pris pour cible par un duo de tueurs armés de fusils automatiques. Ça s'est déroulé le 2 Octobre, en début de matinée, Franky Geene, Lucia Cameron et Matthias Ashton. Attention, certaines images peuvent choquer.»

Evan pivota la tête, perturbé par le bruissement de draps et arqua un sourcil, notifiant le changement d'expression du patient dans le lit.

Les bras croisés, il reporta son attention sur l'écran.

« Ce sont des dizaines de parents réunis aujourd'hui, autour du corps de leurs enfants, morts alors qu'ils se dirigeaient vers leur prochaine classe. Ce Jeudi 2 Octobre, c'est un drame qui frappe l'Université de Californie. Un peu avant onze heures, alors que les premiers étudiants se dirigent vers le réfectoire pour manger, une première salve de balles tirées d'un fusil automatique résonnent dans tout l'établissement. Cinq élèves sont abattus, les autres, son grièvement blessés.
Les deux terroristes, à peine âgés de 20 ans, sont entrés par le hall principal, un sac à dos scolaire renfermant deux armes automatiques à assembler ainsi que plusieurs boîtes de munitions et deux radios avec eux. Leur objectif: faire le plus de victimes. La première, un jeune étudiant, a suscité l'inquiétude des amis de la victime, qui ont découvert le garçon enfermé dans un local électrique, inconscient. Sur place, une équipe de cinq pompiers de Los Angeles, intervenant sur une situation plutôt courante. Or, lors de la première fusillade, au deuxième étage, les combattants du feu ont été eux aussi visés. Le pompier Howard Han, blessé au bras, se porte très bien aujourd'hui. »

Peut-être qu'il avait tord. Peut-être que tout le monde n'était pas entièrement défiguré sur les photos d'identité. Peut-être que Chimney était l'un des chanceux qui ressemblait autant à la réalité sur une photo d'identité que sur une revue de journal. Evan était légèrement jaloux.