2 Octobre

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Tout s'était déroulé à la vitesse d'un...

Battement d'ailes.

Quand Eddie et Bobby étaient entrés dans le réfectoire, ils avaient tous les deux faillis se faire voir dès le début. La porte à battants s'était agitée derrière eux et la seconde d'après, le regard scrutateur de l'adolescent s'était posé sur elle, perplexe.

Eddie ignorait comment serait sa fin, mais il ne l'imaginait pas comme ça. A vrai dire il était légèrement frustré qu'elle soit aussi prématurée et aussi injuste. Il ne voulait pas croire qu'après tout ce qu'il avait fait, il mourrait ainsi, d'une balle tirée par un gamin. Il était revenu de l'Afghanistan traumatisé, hanté par des cauchemars et des fantômes qui le suivaient partout, jour et nuit, et parfois la frontière entre réalité et hallucination était si fine, qu'il ne savait plus vraiment comment agir. Bien qu'il ne se soit jamais senti aussi vivant qu'aujourd'hui, depuis quelques heures maintenant, il priait tout bas pour qu'il ouvre les yeux sur le plafond de sa chambre et qu'il réalise que tout ça n'était qu'une vaste illusion. Mais rien ne changeait. Il était toujours coincé là, à suer dans son équipement et a papillonner des yeux, frappé de plein fouet par une fatigue accablante.

Il avait encore tellement de choses à vivre, de moments à passer avec son fils, et Christopher...Ne pouvait pas se retrouver seul si brutalement. La mort de sa mère l'avait déjà anéanti, et même s'il ne s'estimait pas primordial à la santé de son fils, il savait, ou du moins il espérait, que son enfant l'aimait suffisamment pour vouloir de lui à ses côtés. Parce qu'il y avait une chose dont il était sûr, lui aimait son fils plus que tout. Plus que la vie et plus que sa liberté.

C'était ce qu'il s'était dit quand il avait pris la décision, que quoi qu'il se passe, il mettrait fin à tout ça. Eddie ne savait pas pour qui il se prenait, à croire que c'était à lui que revenait la mission de sauver tout le monde et mettre fin à cette prise d'otage insoutenable. C'était arrivé une fois. Il avait sauvé la vie de ses camarades de faction en les sortant de l'hélicoptère en feu et en les mettant à l'abri tout en rampant sur le sol poussiéreux, les balles faisant siffler l'air et exploser la carrosserie de l'oiseau de métal. Il n'avait pas songé une seconde de s'arrêter, d'abandonner ou de dresser le drapeau blanc. Non, il les avait tirés chacun leur tour, les saisissant par le gilet pare-balles, par le poignet ou la cheville et les tirant comme des poids morts pour les abriter derrière un rocher, bien trop plat pour toute son escouade. Il s'en foutait de si c'était peine perdue, de s'il mourait ainsi ou de si l'hélicoptère lui explosait en pleine face, tout ce qu'il voulait, c'était rendre à ses amis, toute la loyauté qu'ils lui avaient prêtée durant les trois dernières années. Parce que c'était un emprunt. La confiance se confie et doit être rendue à la moindre occasion car sinon elle n'est pas réciproque. Donc, abandonner et les laisser la, ne lui avait jamais traversé l'esprit.

Du moins, pas jusqu'au moment où ses pensées s'étaient accrochées au visage de Christopher dans ses souvenirs. Son ambition et sa bravoure venait d'être balayée d'un revers de la main par une tornade de culpabilité et de peur. Il ne voulait pas le laisser seul, ni le perdre. Il ne voulait pas que son fils apprenne par le biais d'un émissaire en treillis que son père avait trahi sa promesse.

La confiance ça se prête.

C'était ce moment là, ce moment précis qui lui avait fait si peur. L'idée qu'il puisse être capable de laisser ses collègues mourir parce que son égoïsme le poussait à choisir de revoir son fils plutôt que de se faire tuer. Il avait eu peur parce qu'il s'était senti illégitime et cette noirceur au fond de lui l'avait terrifié au plus haut point.

Il ne se souvenait pas quand il avait commencé à pleurer après ça, sentant à peine la douleur des balles perforantes qui avaient traversé son épaule et sa main gauche, tiraillé entre son devoir et son enfant. Et de toutes manières, personne n'avait besoin de savoir ce qu'il s'était passé.

War of MemoriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant