27 Octobre

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Il se fit réveiller par un petit tapotement sur son épaule droite, qui se faisait de plus en plus insistant depuis quelques secondes. Il ouvrit les yeux lentement, apercevant d'abord le derrière du siège qui se trouvait devant et tourna la tête sur la droite, pour voir une vieille femme aux cheveux frisés, appuyée sur les dossiers, qui l'observait, impatiente et amusée. Evan regarda autour de lui, déboussolé, et constata qu'il était seul dans le bus dont le moteur s'était arrêté.

"Nous sommes arrivés au terminus jeune homme, il faut descendre."

Evan regarda à nouveau autour de lui et s'excusa avec un simple regard coupable vers la conductrice, qui s'en retournait à son poste de conduite, le dos voûté et l'équilibre bancal. Il se redressa, ramassa les emballages de gâteaux qui avaient glissé sur le sol, récupéra son sac dans le coffre à bagages au dessus de lui et s'assura de n'avoir rien laissé entre les sièges ou sur la tablette qu'il replia après l'avoir minutieusement inspectée.

Quand il descendit, il gratifia la conductrice d'un aurevoir endormi et croisa son regard dans le rétroviseur intérieur. Les portes se refermèrent derrière lui, et le bus démarra dans un nuage de fumée malodorante.

Il resta sans bouger l'espace d'une minute, dos à la route, essayant de comprendre ce que la statue géante qui trônait au milieu du petit lac pouvait bien signifier. Quand il se retourna, il ne trouva pas plus d'explications sur cette cuillère géante et cette cerise qui avaient élu domicile en plein centre ville, autour des cygnes et des canards.

Il traversa la route après que le feu des voitures soit passé au rouge et atteignait l'autre trottoir avant même que celui des piétons change de couleur. La plupart des passants se dirigeaient tous du même côté, téléphones en main, lunettes de soleil sur le nez et sac pendant à leurs bras, exposés au pick-pocket. Tous semblaient si enfermés dans leur bulle, qu'ils ne firent pas attention à l'étranger qui observait le nom des rues, le regard en l'air, cherchant une indication qui le mènerait à la galerie de Groveland. A Los Angeles, tout le monde repérait les habitants de l'Est lorsqu'ils arrivaient emmitouflés dans leur grosse veste en laine, écharpe autour du cou et bonnet enfoncé jusqu'aux sourcils. Ici, Evan avait l'air d'un local, les mains enfouies dans les poches de sa veste en jean doublée de laine et un bonnet couleur rouille sur la tête. Il ne lui manquait plus que les lunettes de soleil pour contrer le reflet aveuglant de la neige qui fond au soleil.

Son portable lui indiquait de prendre sur la droite et de tourner à la première à gauche dans deux cent mètres. Il l'enfouit dans sa poche et avança en pivotant les épaules pour éviter les habitants qui avançaient sans regarder devant eux.

L'air était très frais et il sentait que le bout de son nez commençait à lui gratter, se faisant grignoter par les petites gouttelettes de neige qui pleuvaient du ciel. Toutefois, Evan n'avait pas froid, habitué au temps hasardeux de Los Angeles en hiver. Quand il bifurqua sur Bryant Avenue, il ne pu s'empêcher d'avoir le regard attiré par les enfants qui criaient et se précipitaient en courant vers la piscine creusée. Le plouf qui suivit leur plongeon se répercuta entre les murs des hlm adjacents d'où les têtes de certains habitants dépassaient des basses fenêtres exposées soit au Nord soit au Sud.  Certains tenaient entre une cigarette fumante entre deux doigts et d'autres étiraient un fil à linge entre deux murs pour y étendre un t-shirt mouillé. Evan se remémora son voyage scolaire à Vancouver, en troisième. Il avait eu la brillante idée de faire une blague à un accompagnateur qui s'était retournée contre lui à la dernière seconde. Le seau d'eau froide qu'il avait préparé et posé en équilibre sur la porte de la chambre des professeurs, n'avait pas trouvé sa cible. Miles avait fait demi-tour au dernier moment avant de pousser la porte et avait rejoint la salle de dîner. Evan avait fini par oublier sa petite installation, trop absorbée par les conversations sans intérêts des adolescents de son âge auxquelles il participait toujours avec entrain et s'était levé en milieu de repas, sur la demande de Madame Greyson. L'air de rien, il s'était dirigé vers la chambre des accompagnateurs, dans le but de rapporter la boîte qu'on lui avait demandé d'aller récupérer, et il s'était souvenu de son piège, quand celui-ci était déjà enclenché.

War of MemoriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant