Avant ce mois-ci, Eddie n'avait jamais vraiment prêté attention à l'ambiance qui régnait dans un commissariat ni à la décoration neutre et terne qu'on y attachait le plus souvent.
Mais maintenant qu'il y passait presque plus de temps que dans sa propre maison, il remarquait certaines choses qu'il n'aurait jamais eu la présence d'esprit d'imaginer dans un poste de police à Los Angeles.
Par exemple, ce guéridon abîmé avec ce vieux téléphone couleur bleu pastel qui servait de décoration dans la salle d'attente était en fait là pour cacher un éclat dans le sol en bois. L'impact avait été causé par un coup de fusil tiré il y a plusieurs dizaines d'années par un jeune qui était entré armé et avait menacé de vider son chargeur si on ne le laissait pas voir son père qui avait été arrêté.
Eddie en avait entendu parler en traversant le hall d'entrée, son oreille s'attardant sur les conversations tenues par les nouvelles recrues qui occupaient le bureau d'accueil, l'air totalement déconcentrés. Ils parlaient de tout et de rien, mais n'évoquaient jamais une affaire en cours ou quelque chose qui s'était passé récemment. Eddie ignorait si c'était parce qu'ils en étaient défendus et risquaient de perdre leur badge s'ils le faisaient ou si c'était parce qu'en vérité ils n'en savaient rien. La police et les pompiers étaient reconnus pour être très compétitifs les uns envers les autres jusqu'à s'affronter pendant une course sportive tous les ans, que les pompiers gagnaient bien souvent par ailleurs, mais Eddie pouvait au moins comprendre la position des nouveaux, à qui on ne disait jamais rien et qui s'occupaient bien souvent du ravitaillement de matériel, du rangement des armes ou des lances à eau, du lavage des véhicules ou de l'accueil des visiteurs qui venaient déposer plainte ou les gratifier d'une boîte de cookies fait maison. Il avait détesté cette période en tant que pompier, où tout ce qu'il avait fait n'était que de se sentir inutile, méprisé et considéré comme un larbin. Ce n'était pas sous la direction de Bobby comme beaucoup le prétendaient, mais sous celle de son ancien capitaine, le chef Harrison de la brigade 354 à El Paso. S'il devait être tout à fait honnête avec lui même, la façon dont on l'avait traité là-bas l'avait convaincu dans son choix de s'échapper de cette ville et d'aller tenter sa chance à Los Angeles.
Il devait le dire, il était putain de fier et heureux de l'avoir fait, même s'il semblait que depuis qu'il y avait mis les pieds, il n'avait fait que sombrer dans un enfer sans fin.
La seconde chose qu'il remarqua dans le poste de police, c'était l'odeur. Largement dominée par les effluves de café pur et de sucreries, l'atmosphère dégageait une odeur de vieux bois, de métal rouillé et de vieux papier jauni. Il ne trouvait aucune de ces odeurs désagréables car elles lui rappelaient souvent sa mère qui travaillait dans une bibliothèque quand il était plus jeune. Il ne se souvenait pas vraiment des nombreuses fois où il y avait passé des journées entières, en dehors de ses petits moments privés où il errait dans les rayons, les yeux levés vers les grandes étagères et qu'il tirait un livre à sa hauteur, plus intéressé par la couverture que par l'essence même de l'histoire.
Il avait commencé à lire très tôt, c'était quelque chose dont ses parents se vantaient souvent bien que ce soit de plus en plus commun et que ça n'ai rien d'extraordinaire aujourd'hui, mais Eddie ne leur en tenait pas rigueur. Il y avait une petite partie de lui qui se sentait toujours touchée et flattée qu'on le décrive par ses exploits plutôt que ses échecs, bien que la mauvaise éducation qu'il offrait à Christopher suivait très généralement les éloges et les faux sourires.
Il avait donc facilement remarqué dans la cage d'escalier du poste de police, que la plupart des affiches qui y étaient accrochées devaient y être depuis des années. Elles concernaient des manifestations, des avis de recherche d'animaux disparus, des annonces pour du travail ou même des évènements culturels qui allaient bientôt avoir lieux, mais qui dataient déjà de 2010, ou même des années 2000. Il se demanda en posant les yeux sur un papier blanc aux bords écornés, si Coachella accueillait toujours autant de visiteurs du monde entier comme il en avait tant entendu parler ou si ce n'était qu'un coup de publicité bien trouvé pour combler les dettes que les organisateurs se causaient en invitant des stars internationales.
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War of Memories
FanficBien que leur métier ne laisse pas de place à la rivalité, Eddie et Evan, pompiers de Los Angeles ne semblent pas pouvoir s'apprécier. Les deux hommes, hantés par les fantômes du passé sont prêts à tout pour ruiner l'existence de l'autre. Mais alors...