2 Octobre

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Eddie n'arrivait pas à effacer de sa rétine, les sourires figés par la photographie scotchée dans le hall d'entrée.

« Go Bears ! », scandait l'écharpe bleue et jaune piquée au tableau de liège avec des punaises.

Les clichés d'avant match avaient été pris de jour, dans les estrades du stade, dans la rangée B, comme l'indiquait la lettre énorme, peinte sur le panneau de bois en fond. Les pom pom girl entouraient les joueurs, avec leurs froufrous, que la photographie avait figé sous forme d'espèce de petits animaux poilus et ronds, qui avaient l'air agressifs.
Leurs jupes étaient bien lisses, leurs chaussettes blanches bien remontées et leurs queues de cheval encore hautes et bien lisses.

Les garçons, portaient leur maillot numéroté, et leurs joues étaient peintes de deux bandes de la couleur de leur équipe, faites avec du maquillage bas de gamme qui dégoulinerait dès que la première goutte de sueur dévalerait leurs fronts.
Leurs épaules carrés, accentuées par les protections de l'équipement, leurs donnaient un air méchant et intimidant, mais leurs sourires excités, fiers et confiants, leurs visages jeunes, éclairés et bien réveillés, ne faisaient que prouver qu'ils étaient là pour s'amuser, plus que pour remporter la victoire.

Victoire qui elle aussi, avait été prise en photo, cette fois, à la lueur du soleil couchant, en plein milieu du terrain.

Les sportifs brandissaient une coupe dorée à laquelle avait été ficelé un étendard avec un ours féroce. Ils ne regardaient même pas la caméra, trop enivrés par leur réussite, qu'ils ne se souciaient plus vraiment de ce qu'il se passait autour. Seul le trophée et l'équipe avaient de l'importance.

Eddie se demandait, combien de ces enfants, figés sur le papier brillant, étaient morts aujourd'hui. Il se demandait si ce gamin blond, le numéro 17, s'en était sorti, ou si le match de septembre était la dernière victoire de sa vie. Est -ce qu'il en avait profité? Est ce qu'il avait songé un instant, que tout pouvait s'arrêter subitement?

Avait-il l'étoffe d'un futur sportif? Peut-être qu'il aurait pu intégrer l'équipe nationale de football, et un jour peut-être, concourir aux jeux olympiques.

Eddie savait qu'il se tuait avec ces peut-être, et bien que le docteur Spencer lui avait à plusieurs reprises répété qu'il ne pouvait pas être responsable de tout, et qu'il ne changerait rien au monde avec ses questions, il ne pouvait s'empêcher de croire, que dans une autre vie, ou dans un autre univers, le numéro 17 était champion de football américain.

Il y avait ces filles aussi, dont la fierté des parents serait ébranlée à l'instant même où il découvriront sur le pas de leur porte, un officier, casquette en main, le visage dépité, venu leur annoncer que leur petite fille, la pom pom girl rêvant de longues études et d'une grande famille, avait été sauvagement abattue par un assassin.

Comment annoncer à une famille, que quelqu'un s'était attribué le droit de lui retirer la vie, alors qu'elle n'avait même pas encore 20 ans?

Eddie n'aimait pas toujours être pompier, mais une chose était sûre, il n'enviait pas ses collègues de la brigade de police.

Toutefois, à cet instant, il devait l'avouer, il aurait préféré faire partie de ce groupe, qu'il apercevait de l'autre côté de la cité scolaire.

Le hall était grand et dégagé, et il n'y avait pas la moindre menace en vue, toutefois, Bobby ne s'était même pas arrêté un instant pour songer à s'enfuir.

Il l'avait vue pourtant, se tenant dans l'angle du bâtiment d'en face, une radio à la main.
Athena regardait dans leur direction, sans vraiment les voir, essayant de capter la moindre ombre ou le moindre mouvement derrière une fenêtre ou un rideau, mais depuis que leur conversation avait été interrompue par l'arrivée soudaine de leur poursuivant, ils n'avaient pas repris contact.

War of MemoriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant