Chapitre 1

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J'étais confortablement installée, mon esprit s'éveillait, mais mon corps était encore endormi. Je n'arrivais pas à ouvrir les yeux, j'étais bien trop fatiguée. Pourtant, une petite voix s'insinuait en moi : où étais-je ? Je savais que je ne devais pas être là, mais je n'arrivais pas à me souvenir d'où je devais être. Tout était flou et confus dans ma tête.

Cette envie pressante de savoir où je me trouvais m'éveilla davantage et dut donner l'impulsion nerveuse nécessaire à mon corps pour se réveiller complètement. J'ouvris les yeux, aveuglée dans un premier temps par la luminosité de la pièce, mais reconnaissant rapidement cet endroit qui m'était familier. J'étais à la Grand'Astrée, j'étais chez moi.

Je ne me levai pas et restai immobile. J'essayai de reprendre mes esprits. Que faisais-je ici ? Je devrais être... à la bataille. Oui, nous attendions la nuit pour attaquer, nous y étions, c'était maintenant, nous devions livrer notre ultime combat. Que diable faisais-je ici ?

Je me redressai enfin pour quitter les lieux au plus vite, je devais rejoindre mes hommes. Ce moment était trop important pour rester à l'écart. Il fallait que je sois auprès d'eux. J'avais attendu cela depuis trop longtemps et je voulais absolument être là lors de la capture de Storm. Je voulais voir son visage défait, lire sa peur.

- Tu es réveillée ?

Je cherchai la voix féminine du regard. C'était Éléanore. Je ne l'avais pas vu dans la précipitation.

Éléanore, la nymphe des plantes et protectrice de la santé, tout s'expliquait. J'avais dû être blessée au combat et Yaël avait dû me conduire à elle pour me soigner.

- Je dois les rejoindre, expliquai-je en me levant.

Tout à coup, tout se mit à tourner autour de moi et je me rassis d'office. J'avais atrocement mal à la tête.

- Tu as reçu un sacré coup à la tête, tu vas te sentir un peu étourdie, mais ça passera, me rassura Éléanore.

Je posai machinalement la main sur ma blessure. En effet, j'avais déjà une sacrée bosse, mais pourquoi je ne me rappelais de rien ? Je tentai de me souvenir des détails de notre attaque, mais rien ne me revenait.

Puis soudain, une image s'imposa à moi. Théo... Je l'avais vu, j'en étais certaine.

- Que s'est-il passé ? demandai-je à Eléanore.

- Tu ne te souviens pas ? s'informa-t-elle.

- Non, tout est confus.

Elle s'approcha de moi avec une bougie et se mit à regarder mes iris.

- Aucun détail ne te revient ? insista-t-elle.

- J'ai vu mon cousin, mais je ne me souviens plus comment cela s'est terminé. Est-ce lui qui m'a frappé ? demandai-je alors, soudain anxieuse.

- Non, pas que je sache.

- Alors que sais-tu ? Qu'est-ce qui s'est passé de l'autre côté pour que je me retrouve ici alors que je suis censée devenir reine ?

- Je préfère que tu voies cela directement avec ton mari. Bois, je vais te préparer à manger, tu dois reprendre des forces avant d'aller où que ce soit.

Je bus le grand verre d'eau qu'Éléanore m'avait servi et je me rallongeai. Elle n'avait pas tort, je n'irai pas bien loin dans mon état et si j'y retournai, ce ne devait pas être pour les déranger. Yaël saurait quoi faire, j'avais confiance. Pourtant, et bien que forte de ce sentiment, je ne me sentais pas très bien. J'avais comme un gouffre dans ma poitrine que je n'arrivais pas à combler.

L'absence d'Isaïah devenait de plus en plus oppressante. Sans doute encore plus maintenant que je savais qu'il ne restait que quelques heures avant que l'on soit réuni. Il serait alors le nouveau Prince de Hululy.

Pourtant, encore une fois, je n'arrivais pas à me réjouir. J'avais le cœur lourd, peut-être parce que je n'étais pas sur le champ de bataille, que je n'étais pas là, avec eux, dans le cœur de l'action.

Éléanore me servit à manger et j'appréciai particulièrement ce qu'elle avait préparé. Elle restait néanmoins étrangement silencieuse.

- Qu'est-ce que tu ne me dis pas ? lui demandai-je, suspicieuse qu'elle me cache un évènement important.

Elle avait nécessairement eu des informations sur ce qui s'était passé et elle prenait soin de ne rien me révéler. Pourquoi ?

Je repensai à la dernière image qui me venait en tête. J'avais vu Théo là-bas, ce qui me laissait supposer que nous avions réussi à accéder au Palais. Pourquoi est-ce que je n'arrivais pas à me rappeler de ce qui avait précédé ?

- Tu sais, si ton esprit a choisi de te faire oublier ce souvenir, il cherche sans doute à te préserver. Je doute que tu sois prête à entendre ce que je pourrais avoir à te dire.

Éléanore me fixa, attendant sans doute une réponse, mais je n'en avais pas. J'essayai de recomposer mes souvenirs, mais ils s'emmêlaient dans mon esprit.

- Je me souviens avoir vu Théo, dis-je à haute voix, plus pour m'aider à m'ancrer dans cette réalité que pour en informer Éléanore.

- Où l'as-tu vu ?

Je visualisai l'image de mon cousin, il y avait de la verdure derrière lui. Nous n'étions pas au Palais, je m'étais trompée, nous étions encore dans la forêt et je la voyais nettement à présent, ce qui signifiait qu'il faisait encore jour. Théo était venu nous rejoindre avant notre attaque. Oui, ça y est, je m'en souvenais. Il avait été capturé et conduit à moi.

- Isabelle, que t'a dit ton cousin ? me demanda Éléanore, relançant ainsi les réminiscences de ces dernières heures.

- Il... Il défendait les intérêts du Prince. Il nous a demandé de retirer nos troupes. Mais... il ne nous disait pas tout. J'ai utilisé mon pouvoir sur lui. Je me souviens ! m'écriai-je. Je lui ai sauté dessus pour me saisir de ses pensées. Et j'ai vu...

Je m'arrêtai, coupée moi-même par les images qui s'imposaient à moi. Je l'avais vu assis sur le trône... Il était le futur Prince du royaume de Hululy. Je ne serai pas reine, j'allais perdre cette guerre, voilà ce que j'avais vu.

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant