Chapitre 13

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- Tu es prête ? me demanda Yaël.

Pouvait-on l'être ? Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre, mais l'inquiétude que je lisais dans les yeux de Yaël me laissait craindre le pire. Éric aussi semblait mal à l'aise, mais c'est ce que je vis dans les yeux de Kallie qui me détermina. Elle avait compris, elle savait très bien ce qu'on s'apprêtait à faire. Et elle avait peur.

Peu importait ce que j'allais endurer, je savais que d'ici peu je saurais où se trouvait mon fils.

- Je suis prête, affirmai-je sans hésiter.

Yaël fit signe à Éric. Celui-ci se rapprocha de moi et me murmura un léger « désolé » avant de poser ses mains sur moi. J'eus l'impression que son don se déversa dans mes veines, tel du poison. Je sentis le froid s'infiltrer en moi de manière incoercible. Je ne contrôlais plus rien, je ne pouvais plus bouger et pire encore mon esprit était parfaitement contraint.

On a tous déjà essayé une fois de ne penser à rien, c'est difficile, pour ne pas dire impossible. Les connexions neuronales se font d'office, c'est naturel, cela nous renvoie toujours à quelque chose, à une pensée que l'on peut dériver, arrêter, écourter, enrichir, oublier. Cela reste de notre contrôle, mais à ce moment-là ce mot n'avait plus aucun sens.

Je m'attendais à ce qu'Éric me renvoie à des images terrifiantes, mais ce n'est pas ce qui se produisit. Il avait en réalité éteint toute trace de bonheur, de joie, d'espoir ou d'un quelconque sentiment réconfortant pour ne laisser que la peur. C'était la seule information qui parvenait à mon cerveau et celle-ci devenait de plus en plus intense à mesure que je comprenais que je ne pouvais rien faire pour l'en échapper.

Je me mis instinctivement à hurler d'épouvante, seule façon que j'avais de faire sortir le trop plein de cette énergie malveillante, mais j'eus à la place la sensation que mes inquiétudes se nouaient, telles des chaînes ardentes, autour de ma gorge pour me confronter davantage à leur réalité. Je cédai sous le poids de ce fléau, les entrailles nouées. Ce ne fut que lorsque mes genoux heurtèrent le sol qu'Éric retira son emprise sur moi.

Mes yeux s'étaient bordés de larmes sans même que je ne m'en rende compte, mais je n'oubliai pas notre objectif. J'utilisai le peu de force qui me restait pour me saisir de Kallie. Je ne pris même pas la peine de me relever et lui attrapai le mollet droit dans un geste un peu brouillon.

Toutes les barrières de Kallie sautèrent, ce fut immédiat, Yaël ne s'était pas trompé, seulement cette vision n'était pas ordinaire. Les images se mirent à défiler à une vitesse époustouflante. Je n'avais pas le temps de comprendre les informations qui me parvenaient, elles étaient trop brutales, trop intenses, je ne pouvais pas vraiment les analyser ou les comprendre. C'était toute la vie de Kallie qui défilait devant moi, autrement dit des siècles d'expériences et je n'avais que quelques secondes pour les assimiler.

Tout se mit à tourner autour de moi et je fus complètement happée par ma vision. Je luttai pour ne pas sombrer dans ce déversement d'images, j'avais l'impression que mon esprit n'allait jamais supporter autant d'informations. Je connaissais tout du passé et de l'avenir de Kallie. Après un dernier effort pour m'approprier toutes ses pensées, je me détachai d'elle pour retourner dans le présent.

Éric, qui était encore à côté de moi, tenta de me maintenir et de m'apporter son aide lorsque je revins à moi, mais sa bienveillance me donna le coup de grâce. Je repartis aussitôt dans des visions, cette fois-ci le concernant. Elles furent tout aussi intenses et détaillées. Des millions d'images m'assaillirent de toute part jusqu'à ce que je perde finalement connaissance.

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant