Chapitre 34

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Yaël

Je courais comme un dégénéré dans les souterrains, éclairé de ma seule magie. Le vent soufflait derrière moi pour me faire avancer plus vite, mais le chemin qui me séparait d'elle semblait insurmontable. Il y avait une multitude d'escaliers à gravir pour rejoindre la salle du trône. Luka ne m'avait pas précisé que cet endroit était un véritable labyrinthe. Je n'en voyais pas la fin et mon impatience grandissait en même temps que mon inquiétude. Mon cœur battait à tout rompre malgré mes entraînements répétés. Ce n'était pas de la fatigue, c'était de la peur.

Lorsque j'entendis la voix de Stan et que je compris qu'enfin j'étais au bon endroit, je ne cherchais même pas à enclencher l'ouverture du passage secret. Je propulsai une bourrasque et explosai presque à la seule pensée le mur qui me faisait face, sans prendre le temps de ralentir ma course folle.

Il n'y a que lorsque je vis la scène qui se jouait devant moi que je m'arrêtai, un peu hébété par la situation. Stan, Misha et Luka étaient paralysés. Leurs jambes étaient complètement gelées et ils ne parvenaient pas à bouger. Stan tentait comme il le pouvait de changer d'apparence pour se libérer, tout en invectivant avec rage Balthazar. La glace commençait d'ailleurs à se fissurer.

Au milieu de la salle de trône, un lit majestueux s'érigeait, entièrement recouvert de glace et je vis alors le corps d'une femme qui y était allongée... transpercée d'une flèche. Mon cœur vrilla bien que je savais que cela ne pouvait être Izi. J'aurai ressenti sa mort. Je compris rapidement au regard dévasté de Luka qu'il s'agissait de Sara.

Je scrutai la salle du trône à toute vitesse. Aucune trace d'Izi.

- Où est-elle ? m'inquiétai-je.

- Avec Balthazar, m'informa Misha. Ils ont pris la direction de l'aile Est. Ils ont cinq minutes d'avance, pas plus.

Bref et efficace, à l'image de Misha. Il m'indiquait clairement que j'avais encore une chance de les rattraper.

- Elle est partie de son fait, précisa Stan.

- Quoi !?

Izi avait vraiment un don pour me mettre hors de moi. Ne pouvait-elle jamais rester là où on lui disait d'être ?! Je fis partir des gerbes de flammes de mon corps qui se mirent à courir sur le sol gelé pour faire fondre les entraves de glace qui paralysaient mes amis.

Misha et Luka avaient du mal à garder leur équilibre. Stan en revanche était déjà à mes talons. S'il n'avait apparemment pas eu le temps de durcir sa peau, le froid ne l'atteignait indubitablement pas de la même façon.

- Allez-y ! m'encouragea Misha. On vous rejoint.

Nous fonçâmes dans la direction qu'avait pris Izi et Balthazazr. À peine la première porte franchie, nous tombâmes nez à nez avec Théo. Je n'étais pas étonné qu'il ne soit plus dans sa cellule, mais ce n'était vraiment pas le bon moment ! Je l'écartai brusquement pour qu'il me laisse passer, bien que celui-ci s'apprêtait à me parler.

- Yaël ! m'interpella-t-il alors que j'étais déjà en train de m'éloigner. Izi est en danger. Un ami d'Indra la conduit à la bibliothèque.

Je m'arrêtai net. Je ne connaissais pas assez bien le Palais. J'avais finalement besoin de lui.

- Conduis-moi, ordonnai-je.

Il passa devant, mais il n'avançait pas assez vite à mon goût. Je lançai une nouvelle fois le vent à nos trousses pour lui faire accélérer le pas, ce qu'il fit, avec un regard quelque peu inquiet. S'il avait peur de ma magie, c'était bien là le cadet de mes soucis. Il était hors de question qu'on m'enlève Izi. Il allait courir et vite.

Après une course effrénée, j'entendis au loin des échanges de voix. Je discernai clairement celle de Balthazar. J'allais enfin la retrouver et libérer toute ma haine contre ceux qui tenter de me l'enlever.

- La porte au fond du couloir, s'époumona Théo à bout de souffle.

En un instant, je lançai le vent qui maintenait notre allure, droit sur la porte. Celle-ci vola en éclats. Je perçus alors Millie qui s'était retournée face à ce fracas tonitruant. Mon sang se figea. Elle était seule et devant elle s'érigeait un portail où tournoyait un véritable arc-en-ciel. Izi l'avait franchie. Elle n'était plus là.

Un sourire malicieux remplissait le visage de cette traitre d'astréienne face à mon désarroi. Elle n'attendit pas plus longtemps pour traverser le portail qui se mit aussitôt à rétrécir. Je courais encore pour accéder à la bibliothèque, mais quand je compris que j'arriverais trop tard pour le franchir à mon tour, j'envoyais le vent, dans un geste de désespoir, faucher le fauteuil et quelques livres pour les envoyer en plein dans la sphère colorée et tenter de blesser Millie. Ils furent aussitôt absorbés par le vortex qui se referma alors complètement. Je venais à peine d'entrer dans la pièce.

- C'est pas vrai ! Non ! Non ! Non ! répétai-je tout en tambourinant ce qui restait de la porte.

Je vis rouge, je me laissais rarement aller à mes émotions, bien que ce soit souvent la tempête à l'intérieur de moi, mais depuis que j'avais rencontré Izi, j'avais du mal à me contenir.

- Ait confiance mon frère, nous la retrouverons, me certifia Stan sur un ton qui se voulait rassurant.

- Qu'est-ce qui s'est passé bordel ? beuglai-je en l'accusant à moitié.

Rien de tout cela n'aurait dû se produire. Nous avions un plan. Pourquoi est-ce que la pierre n'était plus active ? Pourquoi Izi était-elle partie de son plein gré avec Balthazar et Millie ? J'avais clairement des envies de meurtre. Je voulais les retrouver et tous les étriper un à un. Aequor. Millie. Geoffrey. Christine. Et tous les autres. Je leur ferai payer ma douleur au centuple.

Dans un élan de rage, je me mis à renverser les ouvrages de l'étagère. Ce geste m'apaisa durant deux secondes et je le réitérai, faisant valser finalement tous les manuscrits à ma portée.

- Ça n'aidera pas, me fit remarquer Stan, comme si je l'ignorais.

- Et qu'est-ce que je suis censé faire ? m'énervai-je. Je n'aurais jamais dû la laisser partir. C'était ton idée ! Tu es censé être le meilleur garde du corps de ces deux mondes et tu n'es pas capable de protéger ma femme ! Pourquoi n'est-elle plus ici ? Pourquoi est-ce que vous avez tous vos pouvoirs ? Pourquoi les as-tu laissés m'enlever Izi ?

Il encaissa mes paroles haineuses et ne répondit pas. Je ne lui en voulais pas vraiment et à la fois, j'en voulais à tout le monde. Je m'adossai finalement contre l'une des étagères, à présent dénuée de tous livres, et me laissai tomber au sol, emprisonné dans ma détresse.

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant