Chapitre 27

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Sean était bien parti chercher du renfort. La porte s'ouvrit en un fracas assourdissant et rapidement, des dizaines d'hommes nous encerclèrent, mettant fin d'office à un quelconque combat. Gorkheim leva ses mains en signe de reddition. Il fut brusquement saisi par deux gardes qui l'escortèrent loin de moi.

- Izi ?

Cette voix. Je la reconnus aussitôt. J'étais si heureuse de l'entendre.

- Stan ! m'écriai-je avec joie.

Il franchit la porte de la salle de garde, laissant passer les derniers hommes qui en sortaient.

- Qu'est-ce qui se passe ici ? s'inquiéta-t-il.

Il vit ma mine déconfite et se mit à mon niveau.

- Ça va ? me demanda-t-il en posant sa main sur mon épaule.

Ce contact sonna la fin de toutes retrouvailles enjouées et laissa place à mon pouvoir. L'effet fut immédiat, les images trop fortes, trop violentes, trop extrêmes. J'aspirai chacun des souvenirs de Stan jusqu'à en avoir le tournis. Heureusement, il avait moins vécu qu'Éric ou Kallie, sinon il ne faisait pas de doute que je me serai de nouveau évanouie.

Je vis tout son amour pour Anya, toute l'amitié qu'il y avait entre lui et Yaël. Les premières images furent douces, j'étais presque heureuse de les voir et de mieux le connaître. Puis, il y eut la mort d'Anya. Je ressentis sa douleur lorsque nous étions dans la forêt bordant le Mont d'Or. Il l'avait su à l'instant. Yaël avait raison, si l'un de nous mourait, on le savait, car une partie de nous s'éteignait. Je venais de le vivre au travers de Stan.

Cette douleur était si vive... Je fus incapable d'encaisser le coup, je tombai à genoux, le souffle coupé. Stan ôta sa main lorsqu'il comprit ce qui se passait, mais il ne le fit pas assez vite pour me cacher comment il envisageait l'avenir. Je le vis en discuter avec Yaël et ce dernier accepter cette terrible décision. Stan nous aiderait jusqu'à ce qu'on retrouve Isaïah, puis il rejoindrait Anya...

Cette nouvelle m'anéantit. J'avais du mal à reprendre mes esprits et je n'entendis pas tout de suite Stan me hurlait dessus.

- Bordel Izi, où est la pierre ?

Il allait se donner la mort, il allait nous quitter, il allait nous laisser vivre sans lui. Je ne pouvais pas m'y résoudre. Pourtant, Yaël l'avait accepté. Je l'avais vu. Qui étais-je pour lui faire le moindre reproche ou tenter de l'en dissuader ? D'autant qu'il avait perdu celle qu'il aimait par ma faute.

J'avais envie de hurler toute ma frustration. Toute cette histoire était un immense échec. Je voulais tout, j'étais en train de tout perdre.

- Izi, la pierre !! s'égosilla Stan.

- Quoi ? Heu... Elle est dans ma gourde, répondis-je tout en sortant de ma transe.

Je m'en saisis, mais constatait qu'elle s'était percée, sans doute durant ma chute.

- C'est bon, il n'y a plus d'eau, dis-je pour le rassurer.

Mais cela n'eut pas l'effet escompté et pour toute réponse, il serra les poings, les rendant aussi durs que la pierre pour me prouver que j'avais tort. Il y avait effectivement un problème, nous n'étions pas privés de nos pouvoirs.

Je retournai la gourde pour en sortir la pierre de Kamilla. Elle était bien là. Je la pris et la regardai avec anxiété. Elle s'était fêlée...

- Le charme de Kamilla a dû se briser lorsque je suis tombée, tentai-je de justifier.

Il faudrait que je dise deux mots à Kamilla sur la solidité de ses pierres. À croire qu'elles ne fonctionnaient que si on ne les touchait pas ! C'était la troisième que je cassais, dont la deuxième involontairement.

- Fais chier, fais chier, fais chier, répéta Stan de plus en plus fort.

- Je peux contrôler mon pouvoir, ne t'inquiète pas comme ça, dis-je pour essayer de le calmer.

Il me regarda comme s'il se rappelait ma présence.

- Tu en as une autre ? me demanda-t-il avec empressement.

- De quoi ?

- Une pierre, Izi ! s'agaça-t-il. Est-ce que tu as une autre pierre ?

- Non, répondis-je contrite de le décevoir.

- Il faut qu'on parte, ordonna-t-il. Tu dois retourner à la Grand'Astrée. Maintenant !

- Mais voyons, que se passe-t-il ? Pourquoi es-tu ici ? Où est Yaël ? m'alarmai-je à mon tour devant son anxiété.

Il était rare qu'ils se séparent. Stan avait voué sa vie à la protection de Yaël, même s'il choisissait à présent d'y renoncer.

- Tu étais l'appât, Izi. On voulait qu'ils viennent ici et les priver de leurs pouvoirs.

- Quoi !? Mais pourquoi ne m'avez-vous rien dit ? m'offusquai-je.

- Je viens justement t'avertir qu'ils vont passer à l'action d'un instant à l'autre, mais toi tu n'as pas été capable de garder une pierre autour de ton cou plus de deux jours !

- Si je savais l'importance de cette pierre dans vos plans, je ne l'aurais pas enlevée, m'écriai-je à mon tour.

- Tu avais promis de ne pas utiliser tes pouvoirs. Tu avais promis, Izi ! Est-ce que les promesses ne valent rien dans ce monde ?

- Arrête de me crier dessus, ça ne fera pas avancer la situation. Qui doit venir ? À quoi doit-on s'attendre ?

Une vague de froid me submergea et je ne pus retenir un soubresaut. Ce n'était pas un simple courant d'air, l'atmosphère de la pièce avait soudainement changé. Elle était plus fraîche et instinctivement je me mis à frotter mon bras droit pour me réchauffer.

À la mine de Stan, je vis que lui aussi avait remarqué le changement qui s'était opéré.

- Qu'est-ce qui se passe, Stan ? lui demandai-je.

- C'est trop tard. Ils sont là.

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant