La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome III

Chapitre 41

Mon cœur battait à tout rompre et pourtant je savais que je devais faire face aux révélations que Geoffrey s'apprêtait à me faire.

- Je ne sais pas vraiment comment il compte l'assassiner, me confia finalement Geoffrey.

- Tu ne sais pas beaucoup de choses, répliquai-je.

- Au départ, je pense qu'il comptait utiliser le pouvoir de Kallie. Sa perte et celle d'Indra a fortement entaché le plan initial, mais il a rapidement opté pour un autre choix, un où tu es l'élément principal avec Isaïah. Il va vous utiliser. Aussi puissant que soit Yaël, il ne pourra pas vous sauver tous les deux en même temps. À mon avis, Aequor ne va pas engager le combat. Il va vous séparer et lancer un ultimatum à Yaël : sa vie contre la vôtre.

- C'est ridicule, tu oublies que Yaël ne sera pas seul.

Je ne doutais pas un instant, d'autant plus au regard des dernières informations que j'avais glanées dans l'esprit de Stan que ce dernier donnerait sa vie pour nous sauver et il ne laisserait jamais Yaël donner la sienne.

- Si c'est le plan d'Aequor, je ne suis pas inquiète, assurai-je.

Geoffrey non plus ne devait pas croire que cela fonctionnerait sinon il ne ferait pas en sorte de s'assurer que Yaël épargne Millie et lui.

- Tu devrais, m'assura-t-il pourtant, Aequor n'est pas le plus ancien dieu pour rien.

- Il faut alors que tu en apprennes plus sur ses intentions.

Il ne me répondit pas immédiatement. J'attendis, me doutant cette fois-ci qu'il devait être en train de discuter avec un astréien, peut-être Aequor lui-même.

- Ce n'est pas si simple, rétorqua-t-il.

- Et les autres astréiens, quels sont leurs rôles dans cette histoire ?

- Ils ont tous accepté la mort de Yaël. Il ne voit que cette issue pour rester en vie. Les choses sont trop engagées depuis la bataille qu'il y a eu à la Grand'Astrée. Notre clan n'aurait pas dû suivre Indra dans sa quête. Les choses ne se sont pas passées comme prévu.

- Anya est morte, rappelai-je.

- Ce n'était pas prévu non plus. Personne ne devait mourir. Il n'y a que nous quatre qui prenions ce risque en s'emparant de votre enfant.

- Que s'est-il passé avant que j'arrive ? Millie a dit à Balthazar que tout ne s'était pas passé comme prévu, elle aussi. Pourquoi est-ce que Christine est blessée ?

J'entendis presque Geoffrey soupirer, si cela était possible. Mais il continua de se confier à moi.

- Nous savions grâce à Némésis que tu étais au Mont d'Or. Les choses se sont accélérées à la Grand'Astrée, Aequor a fui. David l'a remplacé. C'est un métamorphe, il a la capacité de prendre les traits de qui il souhaite. Personne n'a remarqué le changement et Aequor a pu partir à temps. Nous ne pouvions plus rien pour Némésis à la Grand'Astrée. Elle le savait et elle savait aussi que nous nous apprêtions à t'enlever. Lorsque Yaël l'a emmenée au Mont d'Or, elle nous a prévenus de sa présence grâce à son pouvoir. Aequor n'était pas loin, il y a vu une occasion. Millie les a conduits à l'endroit où ils se trouvaient. Je n'y étais pas. Mon don n'a que peu d'intérêt pour Aequor. Je suis resté avec ton fils. Il y avait en revanche tous les astréiens qui étaient à notre table ce soir. Ils ont attaqué Yaël. Je ne sais pas si c'était pour tenter de l'éliminer ou laissait le temps nécessaire à Balthazar pour te trouver. Ce n'est pas clair pour Millie et je pense que seul Aequor a la réponse à cette question.

Je remis bout à bout les images que j'avais perçues dans l'esprit de Millie. Elle n'avait pas pris part au combat. Son pouvoir ne servait pas à attaquer, mais plutôt à fuir. Elle était néanmoins dans la forêt quand l'attaque s'était produite même si elle n'avait rien vu. Je ne savais donc pas ce qui s'était vraiment passé, mais Geoffrey compléta les zones d'ombres.

- Yaël s'est bien évidemment défendu avec son pouvoir. Christine en a fait les frais, d'où son état.

Il marqua une pause avant de poursuivre.

- Némésis n'a pas survécu.

J'encaissai la nouvelle, elle n'avait pas vraiment de quoi m'attrister, mais je ne pouvais que penser que le destin s'était joué d'elle en faisant de Yaël son bourreau. La vie était parfois étrange, presque taquine.

- Est-ce qu'il y a d'autres astréiens de votre côté ?

- Non. Yaël les a tous exécutés.

J'avalais difficilement ma salive. L'idée m'était toujours désagréable. Je savais que Yaël agissait au mieux pour son peuple. Cette histoire dépassait le simple enlèvement d'Isaïah, il le savait aussi bien que moi. S'il avait agi ainsi, cela devait être la solution la plus appropriée. Je ne doutais pas un instant de mon époux, mais les mots « Yaël » et « assassin » ne voulaient définitivement pas s'associer dans mon esprit.

- Que peux-tu me dire sur Adira et Anaël ?

- Adira se fait appeler Alisha dans le royaume de Hululy.

Adira était donc la déesse du temps.

- En quoi consiste exactement son pouvoir ?

- Elle peut remonter le temps.

- C'est un sacré avantage.

- En effet, ça laisse toujours une seconde chance.

- C'est à prendre dans l'équation. Et Anaël ?

- Un télékinésiste.

- Aequor sait s'entourer, constatai-je avec amertume. J'ai découvert par moi-même la force de Balthazar et j'ai perçu les facultés de paralysie de Christine.

- Quand tu as touché Balthazar ? me demanda-t-il.

J'hésitai à répondre. Je ne lui faisais pas pleinement confiance, mais après tout, qu'est-ce que cette information changerait.

- Oui.

- Qu'as-tu vu au sujet de Millie ? s'enquit-il.

Il ne pouvait ignorer que nous avions été en contact.

- Remplis ta part du marché et je remplirai la mienne, lui assurai-je. Je vous sauverai tous les deux.

Il ne me répondit plus. Je croyais qu'il insisterait, mais j'étais contente d'être en paix avec mes propres pensées. J'attendis quelques minutes pour être sûre qu'il n'était pas en discussion avec quelqu'un d'autre et partie finalement chercher Isaïah.

Je n'avais pas la force de tenir compagnie à Mélinda et je m'excusai rapidement pour rejoindre ma chambre. Isaïah dormait à poings fermés et je le mis avec précaution dans son landau. Je le recouvrai avec soin avant d'aller ouvrir la fenêtre.

Plutôt que de fermer les volets, je laissai le tout grand ouvert. Quand Yaël viendrait, il essaierait de se glisser par une ouverture, autant qu'il y parvienne par celle-ci. Parce que si j'avais bien une certitude, c'était qu'il viendrait, bien que désormais je ne savais plus vraiment si c'était une bonne chose.