Chapitre 30

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Stan était plus inquiet qu'énervé, ce qui était en soi particulièrement peu rassurant. Il me trainait à travers les couloirs du château, sans vraiment savoir où il allait et je ne connaissais pas assez bien les lieux pour le guider, d'autant que je sentais bien qu'il évitait les accès principaux pour se faire discret. Nous devions sortir d'ici, mais comment faire sans attirer l'attention ? Cette fois-ci, il était exclu de sauter dans le vide !

- Où est Misha ? gronda Stan. N'était-il pas censé ne pas te quitter des yeux ?

- Disons que je l'ai semé, éludai-je sans préciser que j'avais fait ça justement parce qu'il refusait que j'utilise mes pouvoirs et enlève la pierre.

- Tu as encore eu de nombreuses idées de génie de ce genre ?

Je ne répondis pas et fis une grimace dans son dos pour laisser libre cours à mon exaspération.

- Mais bon sang, où est cette salle du trône !? s'exclama Stan.

Ça, je le savais ! Cette pièce était celle qui se trouvait sous le grand dôme doré que l'on voyait à plusieurs lieux du Mont d'Or, c'était l'un des premiers lieux que j'avais bien assimilé avec mes appartements.

- Pourquoi veux-tu t'y rendre ? m'enquis-je.

- Il y a un accès dissimulé vers des souterrains qui nous mèneront à l'extérieur pour rejoindre facilement la Grand'Astrée. Yaël est censé nous rejoindre et les emprunter lui aussi.

- Pourquoi n'est-il pas avec toi ? Qui veille à sa sécurité ? m'inquiétai-je.

- Il a estimé que tu en avais plus besoin que lui et je ne lui ai pas donné tort, me répondit-il agacé.

Je n'insistai pas et ne demandai pas ce qui l'avait retenu. Je ne doutai pas qu'il y avait beaucoup de choses à faire après l'attaque et je savais qu'il cherchait notre fils, où qu'il soit. La discussion était inutile et Stan était suffisamment énervé.

Je voulus le saisir par le bras pour rebrousser chemin, nous ne marchions définitivement pas en direction de la salle du trône, mais je m'abstins juste à temps de le toucher et je l'avertis finalement oralement qu'il fallait faire demi-tour.

Plus nous nous rapprochions de la salle du trône, plus le froid s'infiltrait dans les coursives du Palais. J'avais une petite idée du Dieu qui se tenait derrière ce climat hivernal. Il n'y avait qu'un ancien qui possédait un tel pouvoir, mais je posai néanmoins la question à Stan par acquit de conscience.

- Qui ? demandai-je simplement.

Il sut de suite à quoi je faisais allusion. Il fallait dire qu'à présent, une légère couche de givre s'était formée sur les dalles de pierre du château, qui était d'ailleurs devenu étrangement calme. Nous n'avions croisé personne, aucun domestique, aucun garde. Où étaient-ils tous passés ?

- Balthazar, m'informa-t-il.

Le dieu de la glace, je ne m'y étais pas trompé.

- C'est la prochaine porte à gauche, affirmai-je, mais nous devons traverser le grand hall pour atteindre la salle du trône. On peut choisir de le contourner et rejoindre les appartements de l'aile Est pour y pénétrer par la pièce attenante au trône, mais pour ça nous devons faire un détour.

- Pas le temps, on passe par la porte principale, trancha Stan.

Avant de s'élancer, il se tourna vers moi et me dit sur un ton qui ne souffrait pas de contestation.

- Izi, une fois au souterrain, quoiqu'il se passe là-dedans, tu fonces et tu rentres à la Grand'Astrée. Les souterrains débouchent au pied des murailles du Palais. Il faut que tu rejoignes la forêt, il y a une source d'eau à 600 mètres en direction de la grande porte du Mont d'Or. Tu ne t'arrêtes pas, tu ne te retournes pas et surtout, tu ne fais pas demi-tour. J'ai été clair ?

J'acquiesçai. Il était inutile de le contrarier davantage, d'autant que si Yaël se trouvait dans ses souterrains, ma seule intention était de courir pour le rejoindre.

Stan dégaina sa falcata et je me saisis instinctivement de mon pugio, bien que cette arme me semblait ridicule pour combattre un dieu qui pouvait nous geler sur place.

Une fois dans le grand hall, il n'y avait toujours aucune âme qui vive alors qu'il y avait d'habitude un passage incessant à cet endroit du Palais. Les soldats censés assurer la garde de la salle du trône n'étaient pas là non plus. Pourtant, et bien que tous les présages me laissaient craindre le pire, lorsque nous franchîmes les dernières portes qui nous séparaient de notre objectif, je ne m'attendais vraiment pas à ce spectacle.

Je fus aussitôt ébloui par le blanc immaculé qui recouvrait chaque centimètre de la salle du trône. Le givre s'était cristallisé dans tous les recoins et brillait de mille feux. Une épaisse couche de glace recouvrait la surface du sol, de même que les grandes colonnades, comme si le temps s'était figé pour emprisonner la vie. Et quand j'aperçus le corps des gardes figé dans leur mouvement, je compris que c'était exactement de cela dont il était question.

Je ne savais pas quelle était la température dans la pièce, mais je jurais avoir vu les poils de mes bras se recouvrir également de gel. Il ne fallait pas s'attarder, nous ne pourrions pas affronter longtemps ce froid sidéral. Je doutais malheureusement fort qu'il en soit ainsi. En face de nous, assis sur le trône, se tenait celui que je supposais être le fameux Balthazar.

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant