La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome III

Chapitre 2

- Isabelle ? Est-ce que ça va ? s'enquit Éléanore.

Non, ça n'allait pas. Je ne pouvais pas perdre. Comment cela pouvait-il être possible ? Est-ce que Storm allait vraiment faire de Théo son successeur ?

S'il était au pouvoir, mon fils serait en danger. Storm le pourchasserait, jamais il ne le laisserait vivant, j'en étais persuadée. Isaïah...

Le creux dans ma poitrine s'intensifia encore, j'en eus du mal à respirer. Éléanore s'alarma immédiatement, se rapprochant de moi et posant avec douceur sa main sur mon épaule.

- Est-ce que tu te souviens ? me questionna-t-elle.

Elle avait l'air terriblement inquiète pour moi. Elle était attentive à toutes mes réactions.

- Isaïah ne sera pas le prochain Prince de Hululy, lui racontai-je.

- Est-ce que tu sais pourquoi ? insista-t-elle.

- C'est Théo qui accédera au pouvoir.

Elle fut surprise de cette réponse, mais n'approfondit pas le sujet.

- Que va devenir Isaïah ?

- Je ne sais pas, dis-je avec tristesse.

- Isabelle, il faut que tu te souviennes. Yaël va avoir besoin de toi.

Je la regardai, désespérée. Qu'est-ce que je ne voulais pas me rappeler ? Pourquoi avais-je occulté cette information qui semblait au regard d'Éléanore essentielle ?

- Pourquoi ? m'enquis-je auprès d'elle.

- Concentre-toi sur tes souvenirs, fais le vide dans ta tête, ton don devrait t'aider à y voir plus clair. Fouille dans ton esprit, Isabelle.

Son empressement m'inquiéta davantage. Je tremblai sans même m'en rendre compte. Puis, les informations se réajustèrent dans ma tête. Ce vide abyssal qui m'envahissait eut un sens, l'absence d'une mère auprès de son fils. Ils avaient pris Isaïah, Ethan l'avait confirmé. Tout me revenait. Les quatre idoles. Théo les avait appelés comme ça. Des astréiens, oui. Nous avions été trahis par les nôtres. Je fulminai.

Une véritable rage vint m'habiter, mais ma colère me renvoya à un autre souvenir. Je n'avais pas été blessée durant la bataille, j'avais été prise dans le déchaînement de la fureur de Yaël. Il avait tenté de tuer Théo et je m'étais instinctivement porté à son secours. J'avais empêché Yaël de passer à l'action. Je revis la colère qui avait habité ses iris sombres et le chaos qui avait régné autour de nous.

Il m'avait lâché. Je n'avais plus de doute. Je me rappelai clairement être au-dessus de lui alors qu'autour de nous, tout faisait rage. Les arbres se pliaient sous l'intensité du vent. Impossible de rester debout sans se maintenir à quelque chose. Je m'étais accroché à lui ou du moins je le croyais, mais c'était lui qui me tenait en réalité et il avait choisi de me lâcher.

J'avais un vague souvenir de l'image de Théo, emporté dans la tornade qui s'était formée. Je n'étais pas certaine. J'avais du mal à discerner les évènements qui s'étaient jouaient autour de nous. Il y avait eu tant de poussières et de feuilles qui tournoyaient dans tous les sens. J'avais vu un jeune arbre se déraciner, les rafales de Yaël avaient tout balayé sur leur passage. J'avais eu peur pour ces hommes qui étaient venus se battre pour moi, pour notre fils et qui allaient peut-être mourir à la suite d'une catastrophe « naturelle ».

Toute cette réalité m'assaillit et l'urgence de la situation me prit à la gorge. Je devais partir. Je devais retrouver mon fils et je devais absolument savoir ce qui s'était passé durant les heures où j'avais perdu connaissance.

Qu'est-ce que Yaël avait fait ? Dans quel état allais-je retrouver le Mont d'Or ? S'il n'était pas là, à veiller sur moi, c'était qu'il devait essayer de récupérer Isaïah. Je n'avais pas de doute là-dessus, tout comme je savais que sa vengeance serait terrible.

- Isabelle, m'interpella la voix douce d'Éléanore.

J'avais oublié sa présence. Je la regardai sans vraiment la voir. J'étais encore trop enfouie dans mes souvenirs qui ne faisaient à présent plus de doutes pour moi. Je mis quelques secondes avant de lui répondre. J'avais besoin de canaliser mes pensées. Je décidai de laisser de côté les craintes qui m'habitaient pour trouver le courage dont j'avais besoin.

Je fixai alors Éléanore, droit dans les yeux, et m'adressai à elle sans détour. Ma question fut claire et ferme et elle dut sans doute comprendre qu'il était temps pour elle de me donner une réponse du même acabit.

- Où est Yaël ?