Chapitre 10

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Mia et Stan ne dirent rien et scrutaient, tout comme moi, l'avancée de l'homme venu à notre aide. Il sortit son épée de son fourreau et avança prudemment, guettant les ouvertures qui pourraient dissimuler un assaillant. Il ouvrit la porte de la cabane avec quelques difficultés. Elle ne semblait en effet pas souvent ouverte, les gonds avaient dû rouiller et son intrusion n'eut malheureusement rien de discret. Il s'engouffra dedans, et j'entrai dans le même temps en apnée comme si cela pouvait rendre mon ouïe plus sensible à ce qui pouvait se passer à l'intérieur.

L'attente sembla interminable bien qu'elle ne durât en réalité que quelques minutes. Il ressortit, tout en ayant rengainé son arme. Il hocha la tête négativement pour me signifier qu'il n'y avait personne. Nous avions fait fausse route... pourtant, je ne pouvais pas me contenter de cette réponse, c'était ma seule piste.

Je le rejoignis, suivie de près par Mia et Misha.

- Il n'y a personne ici, ma reine, me confirma l'homme.

- Quel est votre nom ? lui demandai-je.

- Je suis Edward De Montigues, le fils héritier du comte De Montigues. Mon père était présent lors de l'assaut des cavaliers rouges au manoir. Toute ma famille vous a prêté allégeance lorsqu'elle a entendu son récit.

- Edward de Montigues, je n'oublierai pas votre nom et la couronne non plus, lui assurai-je. Pouvez-vous mettre en place rapidement et en toute discrétion une milice qui vérifiera tous les lieux qui pourraient vous sembler suspects ou isolés ?

- Je m'y attèle de ce pas, ma reine.

Il fit une rapide révérence et nous laissa tous les trois dans la petite ruelle.

- Une cabane maudite ?! Je ne crois pas aux légendes infondées. Ils étaient ici, affirmai-je. Rassemblez tous les objets qu'ils auraient pu toucher, demandai-je de manière directive à Mia et Misha.

Nous entrâmes dans la cabane et je m'attelai aussitôt à toucher les poignets et les poutres auxquelles ils auraient pu s'appuyer. Je ne mis pas longtemps avant d'avoir ma première vision concluante.

Je vis Millie, Geoffrey, Mélinda et Isaïah se cacher dans cet établi. Je fus soulagée de les voir tous les deux en bonne santé. Millie était agitée, elle n'appréciait pas la situation. Geofffrey quant à lui gardait un œil vigilant vers Mélinda qui était en train de changer Isaïah. Son regard était sombre et je compris que sa colère n'était pas dirigée vers Mélinda, mais envers mon fils. Sa voix trancha alors le silence.

- On va devoir s'en débarrasser.

- On ne peut pas faire ça, renchérit Millie.

- S'il bloque nos pouvoirs, c'est un problème. On ne doit pas rester ici, ajouta-t-il sur un ton grave.

- Je sais. Indra et Kallie ne vont pas tarder. Nous aviserons ensuite, conclut Millie.

Le stratagème de Mélinda se retournait contre eux... À peine sortie de ce premier songe, je m'agrippai à la caisse en bois où j'avais vu Geoffrey s'asseoir. Je replongeai aussitôt dans les souvenirs du lieu.

Geoffrey sursauta devant l'entrée fracassante d'Indra.

- Que s'est-il passé ? Pourquoi êtes-vous ici ? gronda ce dernier.

- Calme-toi Indra, tu crois bien que cela ne nous fait pas plus plaisir qu'à toi, argua Millie. Où est Kallie ?

- Ils la détiennent alors s'il y a quelqu'un qui a le droit de crier ici, c'est moi ! tonna-t-il.

- Quoi ? s'écria Geoffrey. Elle est leur prisonnière ! C'est pas bon ça, pas bon du tout.

- Elle ne parlera pas si c'est ce qui t'inquiète, précisa Indra.

- Et qu'en sais-tu ? demanda Millie.

- Tu doutes de ma femme, grogna Indra un brin menaçant.

- Non, cracha-t-elle avec dédain. Bien sûr que non.

- Mais comment a-t-elle pu se faire prendre ? Que s'est-il passé ? demanda Geoffrey.

- Elle a pris le risque de retourner à la Grand'Astrée pour se faire soigner par Éléanore. Anya lui a coupé la main, elle perdait beaucoup de sang, elle n'a pas voulu venir avec moi.

- C'est regrettable, mais cela peut peut-être jouer à notre avantage, réfléchit Geoffrey à haute voix. Anya l'a blessée, elle va devoir...

- Je t'arrête de suite, le coupa Indra. Je l'ai tuée, annonça-t-il froidement.

- Tu as quoi ?! hurla Geoffrey.

- Indra, tu es en train de nous dire que tu as tué une astréienne, qui plus est la femme du bras droit de Yaël, et que Kallie est leur prisonnière, c'est bien ça ? demanda Millie, non sans calme.

- Exactement, affirma Indra, un problème ?

- Et plutôt deux, scanda Geoffrey. On est ici parce que le fils de Yaël a les mêmes capacités que Kamilla. Nous n'avons aucun pouvoir en sa présence, c'est pour ça qu'on n'est pas venu te chercher. Millie ne peut créer aucun vortex. On est venu à l'une de nos planques en t'attendant.

Indra regarda en direction de Mélinda.

- Avec l'enfant, c'est qui ? interrogea Indra.

- Une hululienne, on l'a trouvé avec l'enfant.

Mélinda baissa aussitôt la tête dans ses épaules, elle n'aimait pas faire l'objet de l'attention de cet homme. Elle lui faisait peur.

- Bande d'idiots, c'est elle qui bloque vos pouvoirs. L'enfant n'a aucun pouvoir, il n'est pas un astréien !

- C'est l'enfant de Yaël, se défendit Geoffrey.

- Il pourrait être l'enfant de n'importe qui, ce n'est pas un astréien. Il n'a pas été appelé. Fouillez-là !

Mélinda eut un petit cri d'horreur. Elle n'avait pas l'habitude d'être bousculée de la sorte et Millie ne fut pas douce. Elle n'était pas très contente de s'être fait leurrer. Indra ne laissa rien passer de sa fouille au corps. Lorsque Millie sortit une petite pierre enroulée dans une ficelle, le sourire d'Indra s'élargit. Il prit un sceau qui se trouvait là et y versa le contenu de son outre. Il attrapa la pierre et la jeta dans l'eau.

- Millie on s'en va, ordonna Indra.

Celle-ci ne se fit pas prier, en un geste elle ouvrit un magnifique vortex qui s'illumina de mille couleurs. Je n'avais jamais rien vu de telles. J'étais subjugué par ces fils orangés qui tournoyaient pour mourir sur le jaune, renaître dans le vert pour s'étirer vers le bleu. Le mélange était envoutant, pourtant il signifiait la perte de toute trace de ces traîtres.

Millie et Geoffrey se saisirent de Mélinda et d'Isaïah qui se mit aussitôt à pleurer. Je m'accrochai au visage de mon fils, impuissante devant ses craintes, incapable de le réconforter, je ne pouvais que le regarder m'échapper. Ils franchirent à tour de rôle le portail, Millie fermant la marche et faisant disparaître derrière elle le tourbillon coloré.

Je regardai autour de moi et vis la bassine où se trouvait encore la pierre de Kamilla. Je n'avais plus aucune piste pour les suivre. Je n'avais aucun indice me permettant de deviner où ils s'étaient rendus. Ils pouvaient être n'importe où et pire encore, ils pouvaient changer d'endroits à tout moment. Ils étaient tout simplement introuvables.

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant