Chapitre 33

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Balthazar avait l'air d'assez bien connaître les lieux. Il ne me demanda aucune indication et marcha d'un pas déterminé. En revanche, moi je me demandais bien où nous allions, car en aucun cas, on ne rejoindrait la grande porte de ce côté.

- Où va-t-on ? demandai-je sur un ton impatient.

- Nous y sommes presque, éluda-t-il.

Nous contournâmes un couloir pour nous engouffrer dans un autre et finalement, à un détour, Théo nous aperçut.

- Izi ! m'interpella-t-il.

Le moment était mal choisi, mais j'étais quand même heureuse de le voir. Il était mon cousin, quoiqu'il ait fait et indéniablement ma famille était ma faiblesse. Je me retournai vers Balthazar, quémandant quelques minutes bien que je savais pertinemment qu'il avait de tout autre projet. Il grogna d'ailleurs pour toute réponse, signe d'un désaccord manifeste. L'idée que l'on s'attarde ne le réjouissait guère, j'insistais néanmoins.

- Je suis ici de mon fait, je ne pensais pas être prisonnière, soulignai-je à Balthazar.

Il me regarda avec désapprobation comme lorsqu'on réprimande une enfant. C'était sans doute ce que j'étais pour lui. Combien d'écart d'âge avions-nous au juste ? Bien trop pour les compter.

- Juste cinq petites minutes et vous pourrez m'emmener où diable voulez-vous !

- Deux, pas une de plus, m'octroya-t-il à contrecœur.

Je m'éloignai avec hâte de Balthazar pour rejoindre Théo.

- Qui est-ce ? me demanda Théo de but en blanc.

- Un ami d'Indra, répondis-je.

Ses muscles se crispèrent, Indra lui avait vraiment laissé un mauvais souvenir, mais au moins cela l'informait du type d'homme qui se trouvait au bout du couloir.

- Où sont tous tes gardes du corps ?

- Ils sont prisonniers dans la salle du trône. Il faut que tu les rejoignes, l'incitai-je à voix basse.

- Mais que s'est-il passé ? Et où vas-tu, Izi ? m'interrogea-t-il inquiet.

- Je vais rejoindre mon fils. Ne t'en fais pas. Tout se passera bien pour moi.

- Reste, exigea-t-il. J'ai un mauvais pressentiment. Ne pars pas avec lui.

- Dois-je te rappeler cher cousin que tu œuvrais contre moi, il y a peu ? Ton inquiétude me touche, mais elle n'est pas justifiée.

- Izi... je n'aurais jamais rien laissé t'arriver, confessa-t-il, gêné.

Je lui souris tristement. Le moment était vraiment mal choisi pour se dire ces choses.

- La famille Théo. La famille, répétai-je, c'est tout ce qui compte. Défends notre famille.

- Mais tu es la seule famille qui me reste, protesta-t-il.

- Non, c'est là où tu fais erreur. Isaïah est ta famille. Aide-le, choisis-nous, Théo. Reste ici et gouverne avec nous, reprend ton poste de conseiller. Nous avons besoin de toi. J'ai besoin de toi à mes côtés.

Je pensais chaque mot. Pourtant, Théo baissa les yeux, mal à l'aise.

- Je dois partir maintenant, mais je vais revenir, tentai-je de le rassurer. Je vais chercher le Prince de Hululy. Reste avec les autres, ils sont aussi ta famille désormais.

- Pourquoi dis-tu ça comme ça ? Pourquoi j'ai l'impression que tu me dis « adieu » ? Que se passe-t-il, Izi ? Tu n'as pas répondu.

- Va voir Misha, il t'expliquera tout. Je dois y aller, je ne peux pas rester plus longtemps.

Je n'attendis pas qu'il me pose de nouvelles questions. Je le laissai là avec ses doutes et me retournai rapidement pour l'enjoindre à partir lui aussi, espérant qu'il rejoigne la salle du trône pour aider les autres. Balthazar resta impassible et nous reprîmes aussitôt notre chemin vers... je ne sais où !

Il n'avait pas menti, nous étions presque arrivés. Il ouvrit enfin une porte et me laissa entrer la première. Je restai méfiante, bien que je n'aie pas vraiment le choix. Il était temps d'assumer mes décisions.

J'entrai dans une petite bibliothèque où trois pans de la pièce étaient entièrement recouverts d'étagères, réalisées dans un bois massif, pour supporter le poids des nombreux ouvrages qui y régnaient en maître. Au centre, une jeune femme était assise sur un fauteuil et prenait vraisemblablement le thé. Elle n'avait toutefois pas l'allure d'une dame de la cour. Ses cheveux bruns étaient coupés court, ce qui dénotait avec les habitudes du royaume. Elle était plus âgée que moi, sans doute la trentaine. Elle n'eut aucune réaction à mon arrivée et me regarda à peine.

- Les autres ? demanda Balthazar avec précipitation.

- Ça ne s'est pas passé comme prévu, confia-t-elle à contrecœur.

Balthazar grimaça, mais ne posa pas plus de questions, par contre moi, oui.

- Qu'est-ce que vous manigancez ? Qu'est-ce qui ne s'est pas passé comme prévu ?

Bien que je ne pouvais qu'être heureuse de leur échec apparent, j'avais une soudaine inquiétude. Où était Yaël ? Ne devait-il pas me rejoindre ? Qu'est-ce qui se passait ?

- Rien qui ne te concerne, me répondit Balthazar.

- Il faut partir, ajouta la jeune femme.

- Où est mon fils ? réclamai-je. Je suis ici et seule. Vous allez bien devoir répondre à mes questions.

Balthazar sourit de nouveau. Je n'en pouvais plus de cet air satisfait, je voulais lui faire ravaler ce sourire déplacé. Sa comparse, elle, restait impassible, mais je voyais bien qu'elle était inquiète.

- Vous avez un blessé, déduisis-je alors.

Elle releva de façon précipitée la tête. Croyait-elle que j'avais eu une vision ? Balthazar l'interrogea du regard et elle acquiesça finalement à ma remarque.

- Qui ? se renseigna Balthazar.

- Christine.

- Allons-y ! gronda-t-il.

La brunette ouvrit alors grand sa main et un tourbillon coloré se forma devant elle. Elle me prit par le bras et me jeta dedans sans que j'aie le temps de m'y opposer. S'il restait encore un doute, les images qui défilaient sous mes yeux ne m'en laissèrent aucun : j'étais en train de me faire aspirer par la magie de Millie.

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant