Chapitre 29

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« Aime jouer avec l'eau, je note ! rit la religieuse. Je m'occupe d'aller chercher des serviettes sèches et de prévenir le service de nettoyage. J'espère qu'il s'ennuie car ils ont du pain sur la planche. Say, je te laisse le reste.

- Entendu. »

Je rectifie, c'est une espèce de chien doublée d'un enfant en bas-âge. Note à moi-même, ne jamais la laisser sans surveillance, songe l'employée.

* * * * *

            La femme au chignon remonte ses manches pour s'atteler à cette nouvelle tâche imprévue. Elle soulève le bouchon de bain puis ouvre l'eau. La température réglée, elle observe l'adolescente enfoncée dans un coin de la baignoire. Les brûlures se dessinent sur une bonne partie de ses membres.

« Un laboratoire inhumain aux expériences monstrueuses... » se remémore-t-elle. Le monde abrite diverses tarés.

Say offre sa main à cette rescapée inespérée. La miraculée est aux premiers abords perplexes mais cède à cet acte de gentillesse. Leur peau si opposée forme un contraste harmonieux où leur chaleur est exactement la même, celle d'un être vivant faisant partie d'une seule et même espèce. La femme tire avec délicatesse l'adolescente vers elle, dans une glissade contrôlée. Le rinçage express se conclut par une inspection capillaire. Il ne manquerait plus que de redevoir faire un bain pour nettoyer des résidus de savon.

Une fois que la bonne sœur est de retour, l'eau est coupée. Emmitonnée dans son peignoir et ses cheveux dans une serviette, Aria est transférée sur son lit protégé de serviettes supplémentaires. Les senteurs des huiles essentielles embaument l'intégralité des pores de l'adolescente, ainsi que la salle de bain. Par la suite, on l'apprête d'un jean ainsi qu'un pull. Malheureusement, le peu de fois qu'elle a porté un pantalon ne lui a permis de s'adapter, surtout un bas si étroit. Les femmes sont donc dans l'impasse de lui fournir un habit lus ample tel qu'un jogging. Ce n'est pas la tenue la plus optimale pour un premier repas avec son âme sœur, mais son confort est une priorité indiscutable. La chevelure apprivoisée, les soins apportés durant la toilette sont remarquables. Les cheveux sont doux tel ceux d'un nourrisson. Un rafraîchissement est tout de même nécessaire mais cela peut bien attendre.

Emmitouflée et coiffée, Aria peut dorénavant se rendre à ce fameux déjeuner. Un début d'angoisse lui tord l'estomac. Elle perd l'appétit.

« Avant d'envisager la moindre fuite, tente d'avancer et comprendre la situation dans ses détails, conseille la religieuse. Et si le courage te manque, porte ça. »

Une chaîne se déroule sous son nez. Une clef immatriculée y est suspendue, sa clef.

« C'est un objet précieux pour toi, n'est-ce pas ? Alors garde-le toujours près de toi. De cette manière, il sera ton porte-bonheur. Que la chance suive son éclat qui la guidera jusqu'à ton cœur blessé. »

Ces paroles retentissent dans un écho intérieur dont le sens échappe à la rescapée.

Leurs pas tapent sur le parquet ciré. Le tintement de la clef au cou de l'adolescente est une mélodie qui lui fournit ce courage dont elle aura besoin dans quelques minutes. La voix floue de B-7 l'encourage à avancer et de ne jamais reculer. Une autre s'immisce dans ses pensées, celle de Louis. Elle lui aiguise ses armes en recommandant la méfiance, l'ennemi peut se montrer fourbe.

Des escaliers puis encore des intersections et un hall plus tard, l'employée et la cliente accèdent à la salle à manger. Sœur Solène a dû s'absenter pour une affaire urgente de ses dires. Des regards curieux et admiratifs les scrutent. Aria se sent défaillir. Un raclement de gorge de la femme les avertit de leur comportement irrespectueux. Aussitôt, le personnel reprend sa retourne en évitant soigneusement de mettre mal à l'aise leur Dauphine. L'ouverture des deux battants effectue un long et sinistre grincement. L'adolescente frissonne. Elle recule de deux pas, appréhendant les prochains évènements dans cette salle. Say ne s'en préoccupe pas et pénètre avec son éternelle expression impassible. La solitude n'étant pas son plus plaisant ami, Aria limite à contrecœur.

Le Spécimen de laboratoire et le Chef de la mafiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant