Avachi dans le fauteuil, je darde un regard blasé sur mon téléphone pour la millième fois en une heure
- Mec, si tu ne veux vraiment pas bosser, dis le moi tout de suite et je remballe mes affaires pour me poser tranquillement devant Netflix.
Je consens à détacher mes yeux de l'écran désespérément vierge de tout nouveau message pour le braquer sur mon colocataire Jay, qui est visiblement à deux doigts de m'envoyer son ordinateur en pleine tête. Quoique non... Il y tient plus qu'à ma propre vie.
- J'ai bossé dessus toute la journée, je n'en peux plus des fards à paupières pailletés et des gloss effet satiné, râlé-je en m'étirant mollement.
- Le boulot c'est le boulot.
- Pourquoi on ne gère que des sites de make up depuis des mois ?
- C'est le marché qui veut ça, l'offre et la demande, tu...
- Okay okay, j'ai compris, tais-toi ! l'interromps-je en me massant les tempes.
Jay et son côté mercantile qui me rend dingue, plus il prend de l'âge et plus il devient chiant, je commence à comprendre pourquoi il a si peu d'amis. Le concerné finit par délaisser son bureau pour venir s'effondrer à côté de moi, la tête basculée en arrière, les yeux fermés, un pli soucieux barrant son front dégagé de ses cheveux noirs aussi raides que son tempérament.
- Je crève d'envie de manger le bon kimtchi [plat coréen] de ma mère, soupire-t-il en se grattant ostensiblement le ventre.
- Avec les briques à la viande de la mienne, renchéris-je en posant mes pieds sur la table basse.
J'ai l'impression qu'on ne fait que bosser avec Jay, on a tellement galéré pour se faire connaitre sur les réseaux sociaux que maintenant que les commandes affluent, on n'ose en refuser aucune, de peur que la chance tourne du jour au lendemain. Et moins de travail signifie moins d'argent, donc plus d'appartement et plus d'autonomie. Résultat, retour au bercail, la queue entre les jambes parce qu'on aura échoué.
- Tu sais que ce gars c'était peut-être un pédophile hein...
- J'ai vingt-cinq ans espèce de taré ! m'offusqué-je lorsque je comprends qu'il parle de Damian.
- Il en avait peut-être soixante-dix, je dis ça, je dis rien.
- Ça n'aurait quand même pas fait de lui un pédo !
- Avec ta tête de prépubère, excuse-moi d'en douter, ricane-t-il les paupières toujours closes.
- Très marrant, surtout venant d'un type qui ne vieillira plus pendant les trente prochaines années.
- Remercie les gênes de maman Hong, qu'elle partage généreusement avec son fils prodigue.
L'envie subite de le tarter pendant qu'il comate m'assaille férocement, mais je décide de prendre sur moi et de me concentrer à nouveau sur mon portable. Pas de message depuis plus d'une semaine, Jay a raison, je me raccroche à de l'air là. Je lui ai envoyé plein de messages, au risque de passer pour un taré obsessionnel, sans succès, zéro réponse.
- Laisse tomber So, il ou elle se faisait chier, tu lui as aidé à passer le temps et basta, poursuit-il sur le même ton peu amène.
- J'aurais aimé le rencontrer au moins une fois avant qu'il me dégage.
- Si ça se trouve, il n'habitait même pas à Chicago espèce de zinzin, ou peut-être même qu'il ne s'est jamais planté de numéro et que c'est un con qui a voulu te faire une mauvaise blague.
- En quoi c'est drôle de me parler pour disparaitre subitement ? contré-je en laissant tomber ma tête sur son épaule.
- Les êtres humains ont un humour plus que douteux, je te l'ai toujours dit.
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Dans ma chair
RomanceDamian est brutal, froid, dur, cynique et ne croit plus en rien. C'est en tout cas l'image qu'il veut renvoyer à son groupe d'amis, à ce clan ultra-violent aux idées dangereuses dans lequel il a grandi. Faire semblant d'aimer l'alcool, la drogue et...