- Putain de mur de mes couilles...
J'ai beau l'insulter, maugréer, grommeler, je continue de lisser cette horreur, encore et encore, jusqu'à ce que la couche soit assez importante pour effacer définitivement tous les défauts qui le parsemaient il y a encore quelques heures.
- Te plaindre et râler ne te fera pas avancer plus vite, peste Vincent, à genoux, occupé à poser le carrelage dans la cuisine.
- Demain on échange, j'en peux plus de tout ce blanc, j'en ai carrément le vertige.
Il pouffe de rire sans interrompre son travail, ce qui ne m'empêche pas de m'octroyer une petite pause bien méritée. Je me laisse tomber au sol et m'allume une clope alors que mon regard se perd jusqu'à la fenêtre, où j'observe le soleil entamer sa lente déclinaison.
- On bosse depuis six heures ce matin, grogné-je, l'estomac dans les talons. On s'est levés en même temps que ce foutu soleil et il a carrément la chance de se coucher avant nous. Est-ce que c'est seulement légal ?
- Les propriétaires vont nous payer bonbon si on finit le chantier à la fin du mois, et je te raconte même pas tout le fric qu'on va se faire au noir.
- Mouais... Pas très légal donc...
- Depuis quand est-ce que tu en as quelque chose à foutre de la légalité ?
- Depuis que tu me fais cravacher comme un esclave ! cinglé-je en tirant férocement sur ma cigarette.
Je vois du coin de l'œil qu'il se relève à son tour, non sans avoir lâché un long soupir fastidieux, avant de me rejoindre dans l'immense salon pour s'affaler à mes côtés, sa propre clope déjà au bec. Il a piètre allure, à mon image j'imagine, je peux presque sentir ma transpiration fusionner avec les couches de peinture et d'enduits tatouées dans ma chair. Une odeur qui m'accompagne depuis que j'ai seize piges et qui me pourchassera jusque dans ma tombe.
- T'as une sale gueule, lâche-t-il brutalement en passant sa main dans mes cheveux. T'es jamais très jojo, mais là, vraiment, on dirait que tu vas claquer dans l'heure qui suit.
- Dans la minute tu veux dire, à cause de toi, j'ai même plus la force de sortir. Je rentre, me douche et me fous au plumard.
- Arrête de mentir, je sais très bien que tu sautes la douche, espèce de cradingue !
J'esquisse un sourire alors qu'il part dans un grand éclat de rire, les yeux fermés et la cendre de son mégot tombant doucement entre ses cuisses. Mes yeux s'attardent un long moment sur sa mâchoire solide recouverte d'une légère barbe châtain, de la même couleur que ses cheveux qu'il coupe toujours très court, à la militaire. Mon attention se focalise alors sur ses mains, aussi sales que les miennes, et sur ce bracelet en ficelle rose et bleu qu'il porte fièrement depuis qu'Alice le lui a offert, après l'avoir confectionné elle-même.
Me bousiller la santé à enchainer des chantiers pour gagner le maximum de pognon ne m'apporte rien, je continue à vivre dans ce même taudis, sans aucune perspective d'avenir. Le seul bénéfice de ce merdier est l'expression gênée de la daronne quand je lui ramène un peu de thune, son sourire vaut tous les billets du monde. Mais pour Vincent, pour lui, ce boulot de merde représente le bonheur de sa fille, quitte à ne pas la voir souvent, quitte à s'épuiser jusqu'à sombrer, il ne lâche rien, jamais.
- Puis franchement, pas la peine de me faire croire que tes sorties au bar te manquent, poursuit-il en rouvrant les yeux pour m'adresser un clin d'œil des plus lubriques.
Non, clairement pas, que ce soit l'alcool ou les nanas, ça ne me manque pas du tout. Mais s'il est au courant pour la boisson qui m'insupporte, il est loin de se douter que je préfère de loin contempler ses cuisses moulées dans ce jean tâché, plutôt que de mater le fessier d'une nana qui viendrait se coller à moi.
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Dans ma chair
RomanceDamian est brutal, froid, dur, cynique et ne croit plus en rien. C'est en tout cas l'image qu'il veut renvoyer à son groupe d'amis, à ce clan ultra-violent aux idées dangereuses dans lequel il a grandi. Faire semblant d'aimer l'alcool, la drogue et...