10.Damian "le mektoub"

1.9K 202 142
                                    

Je vrille totalement là.

Fermement agrippé à Sohan, mon visage caché dans son cou, j'inspire avec véhémence sa fragrance fruitée, comme si je sniffais la pire et la meilleure des drogues.

- Damian...

Il doit me prendre pour un fou, quel taré irait le pister jusque dans un bar et surtout sans le lui dire ? Je ne sais même pas ce qui m'a pris. J'étais à la Cave, j'ai vu la photo et je me suis pointé direct, dans un état second. Ils étaient quatre dessus, pourtant, tout ce qui m'a sauté aux yeux, c'est le bras de ce mec enroulé autour des épaules de Sohan. De mon Sohan. Mon soleil.

- Damian... Bougeons un peu, s'il te plait... Il y a des gars vraiment bizarres là-bas...

Je relève aussitôt la tête et découvre quelques types postés dans un salon de coiffure miteux, en train de nous mater sans vergogne, un sourire insolent et dégueulasse aux lèvres. J'ai déjà entendu parler d'eux, de cet endroit. Des camés et des parieurs, rien de plus, pas du genre à fracasser du pédé.

- On va chez moi, décrété-je en retirant sweat et écharpe pour les lui enfiler de force. Arrête de gesticuler, tu vas avoir froid.

- Et toi ?

- J'ai un blouson dans ma moto.

Incapable de lâcher sa main, je l'entraine à ma suite, avec une impression d'acidité dans la bouche tant je me dégoute. Je vais l'emmener dans mon quartier, c'est la merde, je m'étais juré de ne jamais faire cette connerie et un mois et demi plus tard, je l'embarque déjà dans mon enfer personnel.

Même si je le cache, même si je le dissimule aux yeux des gens dangereux, je risque gros et lui aussi. Mais je n'ai pas envie d'aller chez lui et de prendre le risque de tomber sur son abruti de colocataire qui voit bien trop clair en moi, je serais capable de lui en coller une tant je me sens à cran.

La pression ne retombe pas, l'adrénaline court toujours dans mes veines, le spectre de la jalousie plane encore sur ma tête, ricanant tout bas sur la folie qui est en train de me gagner.

Je ne peux ni me montrer jaloux ni être possessif. Sohan est tel un soleil, lumineux et chaleureux, il ne peut pas que briller pour moi. Même si j'en crève d'envie putain.

- Tu... Tu es sûr ? Je croyais que...

Je ralentis l'allure et croise son regard à la fois affolé et comblé, comme si le fait de l'inviter dans ma piaule dégueulasse était un cadeau. Il est tellement... Merde... Il est tellement lui, ça me rend dingue.

- Tu ne veux pas ?

- Si ! Bien sûr que je le veux ! Mais tu... Enfin tu..., bredouille-t-il, sans réussir à trouver ses mots.

J'espère que je ne lui fais pas peur, ce serait vraiment pire que tout qu'il soit effrayé par moi. Mais comment ne pas flipper face à ma conduite complètement barrée ? Fait chier !

- Je veux juste qu'on soit seuls, grommelé-je en retrouvant ma moto, que j'avais garée bien plus loin pour ne pas attirer des regards indiscrets. Seulement toi et moi, sans avoir à nous coltiner un after improvisé chez toi par ta bande de potes.

- O... Okay...

J'enfile mon blouson à la va vite et lui mets son casque, sans le lâcher des yeux, sans qu'il ne baisse les siens. Nous nous fixons sans ciller, son souffle est aussi court que le mien, ses prunelles aussi sombres, mais d'une façon différente.

- Accroche-toi bien à moi.

- Roule doucement.

Un sourire m'échappe alors que je fais claquer sa visière avant de m'emparer de mon propre casque et d'enfourcher ma bécane. Je le sens faire pareil derrière moi, coller ses jambes, presser son corps et nouer ses mains sur mon ventre, provoquant une chair de poule sur l'ensemble de mon épiderme. Je démarre et pars en trombe, priant pour un Dieu auquel je ne crois plus, que personne ne remarque ma moto une fois arrivés dans le quartier.

Dans ma chairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant