11.Sohan "tu es abject"

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L'immense gérant de la boutique se dresse entre Damian et moi, je peux sentir son aura menaçante alors même qu'il me tourne le dos.

- Qu'est-ce que tu me veux ? grogne Damian que je ne vois pas.

- Toi, qu'est-ce que tu lui veux ?

Je ne comprends rien, j'ai l'impression qu'il prend ma défense, mais pourquoi ?

- Pa... Pardon... Mais on est ensemble..., balbutié-je en contournant doucement le grand homme.

Le regard qu'il me lance est indéchiffrable, pourtant il semble moins effrayant lorsqu'il le pose sur moi, moins agressif surtout.

- On est amis, précisé-je en me tenant à côté d'un Damian visiblement très énervé.

Le gérant, qui doit avoisiner les cinquante ans, m'observe un long moment sans ciller, avant de reculer de quelques pas.

- Excusez-moi.

Et là, il retourne derrière la caisse comme si de rien n'était, me laissant pantois. Mais qu'est-ce qui vient de se passer au juste ?

- Tu le connais ? demandé-je tout bas à Damian, qui l'a suivi des yeux, clairement agacé par l'intervention du patron.

Le silence s'étire jusqu'à ce qu'il braque ses orbes acier sur moi, les traits tirés et la mâchoire serrée.

- Je t'avais dit de ne pas sortir sans moi, qu'est-ce que tu fous là ?

Son ton cinglant me déconcerte, je pensais que c'était une boutade. Pourquoi m'interdirait-il de quitter son appartement ?

- J'ai trouvé un billet de cinq balles dans ma poche, je voulais nous acheter un ou deux trucs à manger, comme tes placards sont désespérément vides.

Ses sourcils se froncent tellement que je suis certain qu'ils vont finir par se toucher. Je ne saisis pas sa colère sourde, on dirait qu'il se retient de m'agripper le bras pour me trainer jusqu'à chez lui.

- Putain Sohan... Je t'attends dehors..., grommèle-t-il en s'éloignant, les épaules voutées et le pas trainant.

Je remarque alors qu'il ne porte ni veste ni blouson. A-t-il eu peur que je m'en aille ? Vraiment ?

Déconfit, je prends au hasard quelques paquets pour grignoter et retrouve le grand homme, la moitié de son visage cachée par une barbe noire fournie. Je m'aperçois rapidement que son expression est plus apaisée, presque amicale, comme si son coup de sang de tout à l'heure n'avait jamais existé.

- Vous avez emménagé dans le quartier ? me questionne-t-il poliment en bipant mes articles.

- Je... Non... Je rends visite à Damian.

A l'évocation de son nom, ses yeux se rétrécissent, ses doigts se crispent. Il ne l'aime vraiment pas.

- C'est bien... Ce n'est pas un très bel endroit ici, avant c'était mieux, à l'époque de mon grand-père.

- Et vous n'envisagez pas de partir ?

- Jamais. Ma famille a toujours habité dans ce quartier, c'est aux nuisibles de s'en aller, tranche-t-il fermement en prenant mon argent.

Le regard qu'il lance par la porte vitrée, à l'adresse de Damian, ne me plait pas. Il parle évidemment de lui, la tension entre les deux était si puissante que moi-même ça m'a mis les nerfs en pelote.

- Je vous remercie, fis-je en souriant courtoisement alors qu'il me rend la monnaie. Bonne journée à vous.

Prêt à gagner la sortie, je sens sa poigne se fermer sur mon bras, me contraignant à me retourner alors qu'il est penché sur le comptoir et me fixe avec gravité.

Dans ma chairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant