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Des bruits cacophoniques s'élevaient, chassant les démons de la nuit, mettant ainsi fin au calvaire de mon sommeil. Les images de mon cauchemar s'envolaient, disparaissant dans les affres de mon subconscient après m'avoir secoué tout au long de ces heures d'ombre. Elles me hantaient tellement dans mon sommeil que la terreur ne me quittait jamais avant quelques heures après avoir émergé. Les choses paraissaient réelles et dévastatrices.

Dans mon rêve, quelque chose me poursuivait dans une foire alors que je courais à en perdre
l'haleine. J'y étais essoufflée mais je ne m'arrêtais pas, usant de toutes mes forces pour échapper au danger qui s'émanait de partout. Je me retournais et derrière moi, l'ombre cachée sous un manteau noir à capuche, semblait voler au-dessus du sol, apparaissant et disparaissant à sa guise. Les gens autour ne réagissaient pas à mes appels à l'aide, et à un moment, j'avais percuté une vitrine sortie de nulle part. L'image que la glace me renvoyait me fit écarquiller les yeux d'horreur. À travers la glace, je voyais un visage.

Mon visage.

Mais avec des années en moins. Il était ravagé par les larmes. Ma peau était blafarde, presqu’aussi
effrayante que la brume s’élevant dans mon dos. L’ombre en émergea et je m’attelai à courir de nouveau.

Le cadre changea sans transition, je me retrouvais alors dans une forêt luxuriante. J’avançais instinctivement ; au-dessus de ma tête la lune illuminait un tant soit peu ma route. Une légère brise me fouetta le visage, mes cheveux mouvèrent sur mes épaules me faisant constater que je ne portais pas de foulard. Je ne pus pas m’en inquiéter car devant moi, un cours d’eau apparut. La lune s’y reflétait parfaitement. Mes jambes
s’ancrèrent au sol avant que mes doigts n’aillent troubler mon propre reflet. Le tonnerre gronda subitement, des nuages s’étaient amoncelés dans le ciel.

J’étais dans le labyrinthe.

Le lac n’était plus qu’une mare noire comme du pétrole, ma main en était imbibée. Je les scrutais, confuse, au moment où l’ombre réapparut. Déroutée, je ne pus m'enfuir lorsqu’elle se rapprocha dangereusement. Elle m'avait bousculée et j'étais tombée dans un craquement sourd avant qu'elle n’enserre ma gorge. L’air me manqua instantanément. Elle enleva enfin sa capuche, dévoilant le moi actuel ; un sourire éteint, presque sadique, peignait ses lèvres gercées.

- Crève, avait soufflé sa voix enrouée.

Et là, elle plongea ma tête dans la mare alors qu’un hoquet de peur mêlée à de l’anticipation et de la
surprise me prenait l’œsophage.

Je m'étais ainsi réveillée en prenant une grande inspiration. J'avais peur mais la fatigue ne me permettait pas de paniquer. La frayeur restait alors tapie, mais envahissante. Mes paupières lourdes se fermèrent une fraction de seconde, en proie au sommeil, mais se rouvrirent en découvrant qu'en réalité rien n'avait vraiment disparu. Que la source de ma frayeur me guettait toujours sous le voile de mes cils, à l'affût d'un simple clignement de paupières.

Cependant, sans ces pensées monstres qui m'habitaient chaque nuit, les choses auraient paru anormales. Leur régularité durant ces dernières années avait fait d'elles une compagnie indésirable à laquelle je m'étais habituée. Elles m'effrayaient plus qu'autre chose, mais elles étaient là, silencieuses mais tellement assourdissantes que j'en étais étourdie. Elles me dévoraient à petits morceaux, parasitaient mon cerveau et semaient la terreur dans mon être.

J’avais l’impression dans ces moments-là que j’allais mourir.

Pire, devenir folle.

Il ne peut y avoir pire que la folie.

J'ouvris définitivement les yeux. Je détaillai ma chambre afin de réveiller mon cerveau engourdi. Le vieux radio-réveil, ce bout de métal que j'avais nommé Tiempo, fut la première chose qui se présenta. C’était l’alarme classique, quoi : ronde avec des sortes d’oreilles, teinte en rouge et blanc, une sonnerie à réveiller un mort. Je soufflai, exaspérée en repensant à toutes les crises cardiaques qu’elle m’avait faite rater avant que je ne m’y habitue.

InattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant