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Sortis du bâtiment de médecine, Daniel me tira vers le restaurant universitaire qu'il avait repéré en premier à peine un pied posé dans cette fac, signifiant que son ventre réclamait nourriture. Je ne protestai pas, le suivant docilement. J'étais quelque peu fatiguée mais un sourire ourlait inlassablement mes lèvres. Je me sentais bien.

Comblée.

Mes doigts se resserrèrent davantage dans les siens alors que l'on approchait du bâtiment. Je consultai d'abord le menu du jour et en lisant Thiébou dieun, ce fut moi qui le tirai à l'intérieur sous son rire moqueur.

Le fait même de le lire m'avait donné faim.

Ce plat était bien le seul que je pouvais manger tous les jours, sans exception.

Après avoir payé nos tickets, on se plaça en bout de fil. Mon ami d'enfance avait les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte, scrutant les alentours avec une mine impressionnée qui me donnait envie de ricaner.

Il finit par secouer ma main avant de s'exclamer comme un enfant :

- Regarde Léna, je n'ai jamais vu un aussi beau bordel !

Je levai les yeux au ciel en avançant dans la file, amusée par son comportement. Je consentis cependant à détailler cet environnement.

Le réfectoire était dans un désordre notoire, en effet. Des bruits fusaient de partout. Des ventilateurs étaient fixés aux murs, crachant leur vent artificiel malgré le temps froid. Les couverts s'entrechoquant aux plateaux et les discussions des étudiants qui semblaient se disputer une compèt de qui parlera plus fort, faisaient naître une cacophonie énorme.

Je me surprenais de n'avoir jamais porté attention à ça. Mais, tenant compte de l'heure habituelle où je faisais un tour par là, je me dis que c'était normal de n'avoir jamais été confrontée à cette ambiance.

Mais quand-même.

C'était fichtrement dérangeant.

On put enfin accéder au service et je remerciai d'un sourire poli la serveuse qui garnit nos plats. Je me dirigeai ensuite vers une table vide à l'écart, Daniel sur les talons et m'asseyai, grimaçant au contact glacial du siège en marbre. Il s'écria comme sidéré en s'installant, les yeux rivés dans les miens :

- Pourquoi ai-je l'impression que tu t'en fous ?!

Je humais avec envie le met fumant à l'odeur délicieuse qui m'appelait avant de me décider à répondre, narquoise.

- Parce que c'est le cas ?

Il leva les yeux au plafond et consentit à planter sa cuillère dans son plat tout comme moi. Après avoir pris une première bouchée bien garnie et savouré la saveur qui conquérait mes papilles, je répondis plus sérieusement :

- Je ne m'en fous pas, je ne vois juste pas pourquoi tu y portes autant d'intérêt alors que c'est la dernière chose que l'on voudrait dans un réfectoire...

- Laisse-moi te dire, me pointa-t-il de sa cuillère, l'air sérieux. Le désordre est une forme d'Art.

Sa réponse m'arracha un rire qui manqua de me faire avaler de travers. Je toussai un peu puis pris une gorgée de ma bouteille d'eau en chassant les larmes qui apparaissaient aux coins de mes yeux.

InattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant