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Les jours qui suivirent, je m'enfermai dans ma chambre. J'eus peu de contacts avec ma mère, prétextant des TD à rendre.

Je demeurais des heures entières, immobile dans mes draps, à me repasser le film de cette nuit-là. J'essayais sans relâche de corriger les erreurs dans ma tête, de me demander ce que j'aurais dû éviter pour que les choses soient différentes, pour ne pas en arriver à cela. Je me créais un autre scénario, dans lequel j'aurais pas eu à subir ce supplice. Mais il me semblait que j'étais condamnée. Condamnée à vivre avec.

Encore.

Je cherchai désespérément un coupable, quelqu'un sur qui rejeter la faute. J'en voulus d'abord à Nicolas d'avoir organisé cette soirée. Je me persuadai que s'il ne m'avait pas invité rien de tout cela ne serait arrivé. Que c'était lui qui était à l'origine de mon malheur.

Puis, j'entrai dans une colère noire envers Idy. Une rage profonde naquit en moi et je me retrouvai dans le chaos de ma chambre, ma lampe de chevet ainsi que mon miroir cassés, mes draps et mes affaires de bureau jetés au sol sans comprendre quand ni comment j'avais détruit tout cela.

Enfin, je me pris la tête. Je me fustigeai fermement parce que c'était moi le problème, en vérité. C'était mon être lui-même qui attirait le malheur.

Oui, la débauche, c'était tout ce que mon corps inspirait.

Et la nuit, mes cauchemars me rattrapaient. La terreur conquéraient mes veines et le sentiment de solitude n'arrangeait rien. Je me revoyais toujours dans cette panoplie de décors changeant, à être poursuivie par l'ancienne moi. Alors je recommençai à prendre des anxiolytiques, je les avais pris toutes les fois où j'avais voulu fuir la cruauté de ce monde, oublier le malheur de mon existence.

J'étais comme dans un cycle, je passais d'un état à un autre. D'abord venaient les reproches, puis la colère avant que ne vienne la tristesse et enfin surgissait le vide. Et la roue reprenait.

Encore et encore.

Mon corps demandait aussi désespérément une présence qu'il la rejetait. Je ne parlais plus à Aline, je ne parlais plus à personne. Je ne pris même pas la peine d'en parler à Daniel. D'ailleurs qu'y pouvait-il ? Il n'avait non plus nullement besoin de savoir ce qui c'était passé, je ne voulais pas qu'il se sente mal pour moi en l'apprenant.

Alors je me réfugiais dans le silence, mes maux et les idées noires. Je ne savais pas combien de fois j'avais été tentée d'avaler toute la plaquette d'anxiolytiques, combien de fois j'avais voulu me noyer dans la marrée noire du labyrinthe, combien de fois j'avais supplié ses ténèbres pour qu'ils m'achèvent... Je me retrouvais à tenir la bouteille d'eau de javel de mes mains tremblantes en me demandant si le goût serait aussi atroce que mes tourments, sans pour autant passer le cap.

J'en mourais d'envie.

Mais encore j'avais trop peur de ce qui m'attendait de l'autre côté.

Je demeurai ainsi bouleversée, valsant entre tristesse et déraison, jusqu'au moment où je me rappelais d'elle. Son souvenir me parut si lointain, ses images si floues dans ma rétine que je me demandai si elle existait réellement.

Était-elle le fruit de mon imagination ?

Étais-je tombée, définitivement, dans la démence ?

Pourtant quand je composai le numéro qui me paraissait être le sien, j'entendis un bip puis deux. C'était comme un moment intarissable. Et personne ne répondit. Pas de messagerie.

Au début, cela ne fit rien.

Je haussai seulement les épaules avant d'encore m'assoir en tailleur sur mon lit. Mais je réessayai. Juste une fois, me dis-je.

InattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant