~30~

11 4 7
                                    

- Léna.

Je fermai instantanément les yeux.

Je sentis les larmes naître sous mes paupières et des frissons traverser ma peau. Sa voix m'avait tellement manqué... Son être entier, m'avait manqué. Mais je ne pouvais me résoudre à ouvrir les yeux, à me confronter à son regard.

Le courage qui m'avait animé et m'avait poussée à prendre rendez-vous avec lui dans cet espace public que nous fréquentions, semblait m'avoir quittée. Non, je ne me sentais pas capable de lui faire face.

Je l'entendis prendre place à même la pelouse, à bonne distance de moi avant de dire après quelques secondes.

- Léna, ouvre les yeux.

Je me résolvai à lever la tête.

Le voir dans cette tenue simple et décontractée et le regard non pas enduit d'animosité ou même de rejet, mais bienveillant, me soulagea. Il y avait une certaine légèreté dans sa posture, comme si le sujet que nous allions aborder n'était pas aussi déterminant qu'elle ne paraissait.

Ce n'était pourtant pas le cas.

Mon coeur battait beaucoup trop fort pour mon bien et j'étais incapable de savoir si cela était dû à l'appréhension ou à la présence de Jonathan. Mon être aurait voulu sauter de joie de le revoir, de poser les yeux sur sa silhouette élancée et d'entendre à nouveau sa voix. Mais la crainte de la suite, de l'aboutissement de cette discussion l'en empêchait.

Je voulais fuir, m'en aller loin pour ne pas avoir à faire ça mais il le fallait. J'avais besoin de lui, de tout lui raconter et d'enfin espérer qu'il m'accepte.

Il demeurait patient et sans doute pour engager la discussion, il demanda :

- Ça va mieux ?

- Oui...

Les minutes s'égrenèrent encore.

- Je suis désolé, murmura-t-il.

J'ancrai pour la première fois mon regard dans le sien, surprise.

- J'ai failli à mon rôle, j'aurais dû te protéger, te préserver. Je n'ai pas été là au bon moment...

- Ce n'est pas de ta faute.

- Si, en quelque sorte.

En serrant les dents, il persifla :

- Je ne suis pas digne de toi, je ne suis qu'un bon à rien.

- Non c'est faux, m'éveillai-je subitement à l'entente de sa phrase, c'est toi qui m'a sorti de ses griffes, sans toi...

Toute sa contenance s'effrita. Il me coupa subitement :

- Dis-moi tout.

Je sursautai.

Qu'il me le demande aussi directement me fit hoqueter. Au fond de moi, j'espérais que essayer de le convaincre qu'il n'y était pour rien retarderait le moment fatidique où je devrais percer l'abcès. J'étais lâche de fuir ainsi, je sais.

- Dis-moi, je t'en prie, me supplia-t-il presque, tu peux te confier à moi. Je... J'ai besoin de savoir...

Mon manque de réaction le poussa à poursuivre :

- J'ai conscience que c'est égoïste de te demander de remuer tout ça, encore, mais j'en ai besoin... Comprends moi...

Il parut soudainement désespéré. J'eus l'impression à cet instant qu'il ne s'en était pas aussi bien sorti durant mon temps d'absence, que le fait d'avoir répondu aussi calmement à mon invitation n'était en réalité qu'une façade.

InattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant