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La nuit était noire et la pénombre était contrée par la lumière des réverbères. Tout était quasiment silencieux. Le souffle lourd, les chevilles endolories, je lâchai un cri d'horreur quand un chat débarqua de nulle part, nous coupant dans notre marche.

Car oui, on marchait.

- Stop, juste... juste une seconde, suppliai-je Aline. Mon cœur brûle !

Elle s'arrêta brusquement, mon poignet toujours emprisonné dans sa main alors que de celle libre, je me tenais le genou, le dos replié.

Si seulement je pouvais me débarrasser de mes pieds...

- Si ton cœur brûlait, tu ne serais pas vivante là maintenant, si ? fit-elle, sarcastique. On est bientôt arrivées, fais un effort ! s'indigna-t-elle en gesticulant exagérément.

L'ignorant, je reprenais difficilement mon souffle, loin d'avoir son endurance et priai pour qu'une bouteille d'eau me tombe du ciel obscur de cette nuit de fin juillet. L'air sembla se bloquer dans sa trajectoire vers mes poumons, me faisant tousser lamentablement.

Bon, mon corps en faisait peut-être tout un foin.

Mais, il avait bien raison.

La nuitée était déjà assez avancée et comme je le pensais, tout ne pouvait être parfait. Pas avec une malchanceuse telle que moi. Semblable à un boulet accroché au pied, trop lourd pour aller bien loin avec. Non plus avec une amie comme Aline.

Patience, patience, je vais vous raconter.

Après une demi-heure d'attente, nous avions finalement eu un taxi. Ce temps était considérable car il était bien écrit, sur l'affiche, que la soirée commençais à vingt-trois heures. Notre temps de retard aurait pu être un peu moins grave si je n'avais pas une amie aussi changeante.

Figurez-vous qu'à mi-chemin, elle avait passé en revue sa tenue puis avait commencé à se plaindre, stipulant : «Je regrette vraiment d'avoir porté du blanc, ça fait trop angélique, je veux du rouge !». J'avais tenté désespérément de la convaincre du contraire, lui assurant que sa robe lui allait à merveille. Mais, avec dépit, je l'avais vu sommer le chauffeur de dévier vers le quartier de Tilène, n'ayant cure de la course qui se multipliait.

Nan mais, je n'avais qu'une bourse d'étudiante moi, pas un salaire !

Habillée d'une robe rouge sang ceintrée avec un décolleté plus plongeant encore accompagnée d'une sacoche noir et un rouge à lèvres couleur sang, elle déclara être prête.

- Ton regard, on croirait que tu vas me trucider... m'avait-elle lancé alors qu'on sortait de sa maison.

Ce n'était pas l'envie qui manquait.

- T'inquiètes pas, on fera vite !

- Tu parles comme si on allait s'y rendre à pieds.

- Bah si, c'est pas loin.

C'était faux, elle avait menti.

Nous marchions et nous n'étions toujours pas arrivées.

Pas de taxi en vue.

Alors j'en étais arrivée là, regrettant amèrement cette soirée qui avait affreusement débuté.

Pourquoi devait-elle toujours avoir des idées aussi folles ?!

Et puis nous n'étions pas obligées d'arriver à l'heure indiquée, si ?

Aline me tira la main encore une fois et je la maudis de m'infliger une telle cadence. Je soupirai finalement de soulagement quand le grand boulevard se dessina devant nous. Et avec lui, le camp militaire du cinquième bataillon d'infanterie qui s'imposait par sa superficie, me faisant presque, je dis bien presque, oublier le nuage de fumée qui s'échappait de la cheminée de la boulangerie à notre droite.

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