Me confronter à ma famille, accompagnée de Jonathan et de ma meilleure amie, fut moins dur que je ne l'avais imaginé.
Je dus subir la tristesse de ma mère, son inquiétude, son chagrin et ses larmes et la furie de mon frère. Il s'était levé brusquement à peine leur avais-je raconté les faits pour aller «tuer l'enfoiré qui a osé», quand bien même il ne savait pas qui il était ni où il vivait. Je me retins bien de le lui dire.
Ce fut Jonathan qui l'arrêta, il avait déposé ses mains sur ses épaules et l'avait détendu du mieux qu'il pouvait alors que je restais assise dans le canapé de notre salon, la tête posée sur l'épaule de mon amie, fatiguée.
- Quoi qu'il en soit tu porteras plaine contre cet enfoiré et je m'occupe de sa condamnation à perpétuité, avait-il lâché en se rassayant bruyamment.
Je ne me sentais pas de revivre ces protocoles, les interrogations de la police, les allées et venues au tribunal et les commérages dans le quartier. Je voulais, désespérément, changer les choses, je voulais qu'elles soient différentes. C'était peut-être ridicule mais j'avais ainsi l'impression d'avoir un pouvoir sur mon destin et le déroulement de mon existence, de ne pas en demeurer une simple spectatrice.
- Je ne porterai pas plainte, avais-je alors platement annoncé. C'est ma décision, on en discutera pas.
Ils furent tous stupéfaits. Seul Jonathan demeurait les poings serrés entre eux, désapprouvant toujours cette décision mais l'acceptant tout de même.
Ma mère s'était levée, bougeant nerveusement ses bras en balbutiant :
- Mais, ma chérie, il faut qu'il paye, tu ne peux pas le...
- N'essaie pas de m'en dissuader , maman, s'il te plaît, soupirai-je en me levant, prête à les abandonner dans leur stupéfaction.
Si ma mère demeurait triste et moins brusque, Abdel lui ne cessait de hurler, de crier dans tous les sens, stipulant que justice devait être rendue, qu'il lui était inconcevable que mon agresseur reste impuni.
Mais je me sentais fatiguée, vidée par tous les évènements qui s'étaient succédés, toutes les émotions qui m'avaient bouleversée et je voulais juste en finir et faire les choses à ma manière. Alors quand ma mère me demanda, hésitante, ce que je comptais faire, je répondis le corps droit, la tête haute et presque avec assurance :
- Je vais lui faire face et lui parler, c'est le seul moyen de mettre un point final à tout ceci.
Je les avais laissés alors là, pantelant, pour regagner ma chambre.
Alors, aujourd'hui, deux jours s'étant écoulés après cet échange je me retrouvais à l'Université. J'avais enfin réussi à joindre Idy, pas au téléphone mais par mail, pour qu'on ait une discussion. J'avais pris rendez-vous à la fac car cela me rassurait que ce soit un endroit ouvert, public où rien ne pouvait m'arriver.
J'avais beau rester droite dans une attitude pleine d'assurance, je ne demeurais pas moins effrayée. Au plus profond de moi, la peur polluait mon âme et elle tremblait dans le silence, me criant presque de m'en aller. Mais mon cerveau était là, et il tenait à dominer cette peur, à contrôler la situation car il était persuadé que seulement là, elle, la peur, me quitterait pour de bon.
Alors je restais debout, j'étais presque sûre que si Jonathan n'avait pas été là, je me serais déjà effondrée. Il était à mes côtés, tout aussi anxieux de mon état physique que mental. Il me trouvait sûrement folle d'agir ainsi, d'avoir pris cette décision.
Peut-être l'étais-je définitivement.
Qui ferait cela ? Une personne brinqueballée dans la sénilité bien évidemment.
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Inattendus
Teen FictionVide. Une fille vide, voilà ce que révèle son miroir lorsqu'elle s'affronte à son reflet. À 22 ans, Léna est différente. Elle est renfermée dans sa bulle depuis cet événement qui la marquera sûrement à vie. Chaque chose, dans sa vie, avait une place...