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Jonathan m'invita ensuite plusieurs fois à sortir, même après la reprise des cours qui fut une grosse claque comme retour à la réalité.

Mon frère ne supportait plus ma mine de bienheureuse, ni mes sifflotements au matin lorsque nous prenions le petit déjeuner.

- Je vais finir par être agacé du fait qu'il te rende heureuse, trop heureuse...., soupira-t-il en prenant son sac pour filer au travail.

- Tu pourrais être content pour ta p'tite sœur au moins ? demandai-je en lui adressant un regard réprobateur.

- Si, je le suis, répliqua-t-il. Je me demande juste dans combien de temps il va te faire du mal.

Il inspira longuement avant de se pencher vers moi alors que j'étais assise devant mon bol de céréales. Mon regard acerbe ne le quittait pas, je voulais qu'il comprenne que cette situation devait changer.

- N'aies confiance en aucun homme à part moi, aucun, tu m'entends ? Parce que tôt ou tard il finira par te faire du mal.

Il voulut s'en aller sur cette mauvaise note en ébouriffant mes cheveux, ignorant maman qui lui faisait les gros yeux. Ma main se resserra sur ma cuillère et je finis par dire.

- Et tu crois que ce n'est pas ce que tu fais en ce moment même ? En remettant en cause ma relation avec Jonathan ?

Il était sur le pas de la porte mais il s'interrompit. Je me retournais pour croiser ses yeux, il avait l'air si certain de ma déception imminente que le doute enfla en moi. Ma gorge se serra et j'eus du mal à contrôler les trémolos dans ma voix.

- Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas été heureuse à ce point. Tout était monotone et sans lumière dans ma vie, j'étais malheureuse et rien ni personne n'a pu changer cela avant Jonathan. Que tu le veuilles ou non, Abdel, c'est lui qui m'a sortie de ma léthargie... Alors est-ce que tu peux juste, juste lui donner la chance de te prouver à toi, à moi, à nous tous, qu'il est un homme bien pour moi ?

Je chassai la larme au coin de mon œil d'un mouvement rapide. Une latence suivi mes propos. Je vis maman hocher légèrement la tête et les épaules de mon frère s'affaissèrent.

- Ok, souffla-t-il en réajustant son sac, je lui donnerai sa chance.

Ce fut ainsi que le dimanche qui suivit, ils se retrouvèrent tous deux pour une séance de footing matinal. Naturellement, je n'avais pas pu rester sereine. Jonathan m'avait prévenue après qu'ils se soient quittés mais ne s'était pas élargi sur le sujet. J'avais donc dû attendre Abdel, qui de facto était plus difficile à tirer les vers du nez.

Lorsqu'il était arrivé tout transpirant, je l'avais intercepté avec appréhension.

- Alors ?

Pas de réponse.

Il m'avait tout simplement snobé en se dirigeant vers la cuisine. En soufflant, je n'avais eu d'autre choix que de l'y suivre. Il se servait à boire et n'avait fait que lâcher un :

- Il s'y connaît en littérature.

Et là, la tension sur mes épaules était redescendue et j'avais souris.

Abdel adore la littérature.

- J'espère pour toi, sincèrement, que le rythme tiendra. Il a intérêt.

J'acquiesçais alors qu'il disparaissait déjà vers sa chambre.

Et effectivement, le rythme tint. Et ce, durant les trois mois qui suivirent. Les rendez-vous s'enchaînaient, certains plus clichés que d'autres. Nous étions plusieurs fois retournés chez Maïga. Le Tangana me faisait toujours autant perdre la tête et le propriétaire du petit resto s'en était aperçu sans vraiment de difficultés.

InattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant