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- Allez viens Léna, vite, tu vas éveiller des soupçons, m'incita Dani.

Je finis par bouger, sortant de ma léthargie pour escalader tant bien que mal la clôture de l'usine. Daniel m'aida à descendre et en levant les yeux pour observer les alentours, ma bouche s'ouvrit grandement.

Des tonnes d'arachides étaient entassées, formant des dunes ça-et-là dans le grand espace, de grandes machines, des camions pleins à craquer de sacs s'imposaient alors que les lieux semblaient désertés par les travailleurs. Et, au loin, les unités de transformation des graines puis, encore plus loin, le bâtiment de l'administration. La distance entre les deux était vertigineuse, comme pour éloigner le plus possible les journaliers des salariés de l'entreprise.

- On grimpe ?

J'acquiesçai et on monta sur les dunes. Chaque pas semblait nous enfoncer dans le tas. Les coques d'arachide craquaient sous nos pieds. Je pris cependant mon courage à deux mains malgré la crainte. Et j'atteignis enfin le sommet.

Où est passée la Léna mature et responsable qui se tenait bien de faire des bêtises ?

Je devais vraiment être dérangée pour faire ça.

Un rire fou me prit et je levai les mains de part et d'autre de mon corps. C'était une sensation plaisante d'être au dessus, ce n'était sûrement pas le sommet d'un building, mais ces quelques mètres au dessus d'un tas d'arachide étaient uniques.

- C'est trop cool ! criai-je.

Bon d'accord, la façon dont j'avais lâché cette phrase était un peu bête.

Mes pieds s'enfoncèrent quelque peu, m'arrachant un cri de surprise. Je m'accrochais alors au bras de mon compagnon de bêtises qui se portait comme un chou, brandant son téléphone pour prendre des selfies.

Mais soudainement :

- Hé vous ! Ça va pas la tête ?! Descendez de là !

Une voix avait tonné au loin alors qu'une silhouette se dessinait dans mon champ de vision, semblant s'avancer vers nous. Son gilet fluo me laissa croire qu'il était un employé.

On se sentit sur le qui-vive, nos yeux s'ouvrant de surprise et on se laissa traîner alors que Daniel me prenait la main, nos vêtements se salissaient mais on en avait que faire, seul nous guidait l'euphorie du moment.

Et la frayeur d'être attrapés, bien sûr.

De la poussière s'élevait derrière nous tandis que l'on avalait les derniers mètres vers le mur qu'on avait escaladé plus tôt. Je me retournai pour voir si l'on était poursuivis mais ce n'était pas le cas. L'homme n'avait même pas bougé d'un pouce mais sa mine semblait agacée.

Comme si notre comportement était digne de celui d'un gamin.

Pourtant, je continuais à courir et, bizarrement, faire le mur fut plus facile que la première fois.

On finit par s'arrêter à courir des mètres plus loin, le souffle court et la respiration erratique.

La peur passée, mon fou rire revint. Hilare, je me pliai en deux, me tenant le ventre alors que le rire de Dani se faisait plus tonitruant. On se calmait mais, à peine on se détaillait mutuellement, qu'on repartait dans notre hilarité.

L'euphorie retombée et nos pulls sales enlevés pour ne pas plus ressembler à des demeurés, on prit place sur un banc public, se relatant des anecdotes, se rappelant de nos bêtises en riant de bon cœur avant qu'un léger silence ne s'installe entre nous, chacun perdu dans un vécu heureux.

Bien vite et malheureusement pour moi, les souvenirs affluèrent avant de se figer à l'exact moment où tout avait vacillé. Instinctivement, mon cerveau bloqua toute pensée puis reprit lentement, se focalisant sur tout sujet autre que le passé.

InattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant