Chapitre 8

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-Comment nos hommes ont fait pour passer à côté de ça ? rugit une voix, me réveillant. On sait tout sur cette fille, y compris combien de fois elle pisse par jour, mais tu vas me dire qu'aucun de nos hommes sait qu'elle a une maladie et qu'elle prend des médicaments. C'est pas possible ! J'te dis qu'elle ment, crois-moi un peu !

Mon tête me fait légèrement mal, mais c'est plutôt normal, ça arrive après chaque évanouissement que je fais. Mais je m'inquiète un peu pour mon cœur qui n'a pas bien supporté ma crise. Normalement, tout se passe bien. J'arrive à parler avant de m'évanouir, j'arrive à réagir pour prendre un médicament. Mais là, je ne pouvais plus rien faire. J'étais complétement tétanisé.

-Pourquoi elle mentirait ? Réfléchis deux secondes, ça lui apporterait quoi ? Moi aussi j'ai pensé à ça, répond Kyle, mais ça servirait à quoi qu'elle mente comme ça ? A rien ! Et en plus, si elle ment, alors on peut dire qu'elle devrait faire une carrière dans la comédie, parce que c'était super crédible.

-Donc tu penses que nos hommes sont passés à côté de ça ?

-Oui. On savait déjà beaucoup de choses sur elle avant qu'on leur demande de l'espionner, alors ils ont sûrement pensé qu'on le savait déjà.

-Ou alors ils font juste très mal leur travail pour lequel, je le rappelle, on leur donne un salaire au-dessus de ce qu'ils méritent.

-Respire, mec. T'es sur les nerfs, t'es sûr que ça va ? L'emmener là-bas, ça a dû...

-J'ai besoin de fumer, coupe Blake.

-Moi aussi, j'arrive à dire en ouvrant les yeux.

-Non, toi tu te tais, répond Blake.

Je le fusille du regard.

-Comment tu te sens ? demande le même docteur qui m'a ausculté plus tôt.

-Bien. Enfin, j'ai vu pire. Vous avez trouvé mes médicaments ?

J'ai tout le temps des médicaments dans mon sac quand je ne suis pas chez moi mais, avec le temps, j'ai réalisé que si je perdais mon sac, ça pouvait être dangereux que je me retrouve sans médicaments. Alors j'ai fini par avoir tout le temps des médicaments dans mes poches et, pour mes robes qui n'en ont pas, j'ai cousu une petit poche pour en mettre. Ça m'avait jamais servi jusque-là, car j'avais jamais perdu mon sac. Mais quand t'es en plein milieu d'une fusillade, ça se perd facilement.

-Non. Mais on a ta robe.

On me la lance, et je m'assois sur le lit dans lequel j'étais allongé. Je déchire la doublure que j'ai faite au niveau de la poitrine, où la robe était légèrement trop large et des pilules en tombent. Alors que je m'apprête à en avaler une, le médecin m'arrête :

-Attends, c'est peut-être dangereux de prendre ça à cause des médicaments qu'on t'a donné.

Je grogne de mécontentement.

-Ok, si tu veux. Vous pouvez me laisser dormir en paix, maintenant ? La voix de l'autre me dérange.

Blake se rapproche de moi, l'air menaçant, prêt à me taper une fois de plus, mais, par chance, Kyle l'en empêche en l'attrapant par le bras.

-Calmez-vous, ok ? Vous êtes pas des enfants de cinq ans, alors agissez normalement et ne vous insultez pas pour rien.

-Pour rien ? Il a laissé un mec me forcer à me déshabiller ! J'ai le droit d'être en colère, croyez-moi !

-Hel, calme-toi. Cette histoire va mal ce finir si tu donnes pas du tien pour collaborer. Pour que tu saches, il est vingt-deux heures et on est parti de France il y a un peu plus d'un jour, il m'annonce, changeant de sujet. On te laisse te reposer toute la journée de demain, sous ordre du médecin. Mais après-demain, tu commences ton travail. Et si tu donnes pas du tien pour nous aider, tu peux dire adieu à tes cigarettes et à tout ce qui va avec, ok ?

Je déglutis difficilement tandis qu'ils sortent de la chambre. Kyle m'enferme à clef, me rappelant que je suis seulement une fille à leur merci. Ils peuvent faire de moi ce qu'ils veulent, parce que j'ai aucun moyen de me défendre.

J'essuie mes larmes en jurant en français. N'importe quelle personne saine d'esprit ne supporterait pas de se faire kidnapper. Et c'est mon cas. Même si, jusque-là, je répondais, je les provoquais et ignorais leurs menaces, je suis terrifiée. Ne pas me laisser faire, c'est mon mécanisme de défense. Je ne connais rien d'autre à cause de mon beau-père. J'ai appris à me défendre, peu importe la situation, que ce soit physiquement ou mentalement. Vincent, mon meilleur ami, m'a appris à me battre. C'est même comme ça que notre amitié a commencé. Mentalement, je me suis endurcie moi-même. Quand tu perds ta sœur et ton père, puis que tu te retrouves avec un beau-père horrible, c'est facile d'apprendre à gérer ses émotions. C'est même obligé. Je ne sais pas ce que mon beau-père ferait s'il me voyait pleurer, mais ça me ferait physiquement très mal, j'imagine. Mais bien-sûr, dès-fois, je ne peux pas retenir mes émotions à l'intérieur de moi, comme quand je supplie l'ordure qui me sert de tuteur pour qu'il me laisse tranquille. Ou comme maintenant.

Je me recroqueville sur moi-même en gémissant de douleur. Des larmes dévalant sur mes joues, ma main appuyant sur ma poitrine pour essayer d'atténuer, en vain, la douleur que je ressens, je me retrouve à penser que j'aurai préféré que mon beau-père me tue. Je ne me serais pas retrouvée là. Je ne me serais pas retrouvée à pleurer pour la première fois depuis longtemps.

Le problème, quand on a l'habitude de refouler continuellement ses sentiments, c'est qu'on ne sait pas comment les gérer quand ils deviennent trop forts. On a l'habitude qu'ils soient assez enfouis pour qu'on arrive à les oublier l'espace d'un court temps mais quand ils ressortent, c'est comme se prendre un camion de mille tonnes dans la gueule. Brutal. Inattendu. Douloureux. Alors on essaye tant bien que mal de réussir à trouver un moyen de se calmer. Sauf que, la plupart du temps, comme on ne sait pas comment faire pour aller mieux,  le moyen qu'on n'utilise n'est pas sain. Comme moi, maintenant, qui me mors l'épaule jusqu'à qu'un goût de fer remplisse ma bouche et qu'un liquide chaud commence à couler le long de mon épaule et de ma bouche. 

Et pour la première fois depuis que Kyle et Blake m'ont emmenés, j'espère de tout mon être qu'ils mettent fin à mes souffrances et me tuent. Parce que cet enlèvement, c'est la goutte qui fait déborder le vase. Et, en l'occurrence, le vase c'est ma vie. Et que j'aimerais qu'elle s'arrête. 

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Qu'en avez-vous pensez ? 

Prochain chapitre le 16/03

Prenez soin de vous !

<33

Tue-la / Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant