Le cimetière se trouve à l'autre bout de la ville. En passant dans les rues, je vois que tout le monde me regarde. Car bien que je porte ma capuche sur ma tête, ils m'ont tous reconnus et c'est la première fois qu'ils me revoient depuis les Jeux. Certains semblent compatir en me voyant, ils me font de faibles sourires comme pour me montrer leur soutien. D'autres en revanche, ont une expression très fermée, très froide. Que leur ai-je fait ? Quelle chose horrible ai-je encore faite ? Plus je tente de me rappeler des souvenirs, la raison de leur colère, plus j'ai mal à la tête. Encore une fois la voraline a du m'enlever de nombreux précieux souvenirs. Mon mal de tête devient si intense que j'en perds parfois un peu l'équilibre. Je vois un peu trouble. Je m'arrête parfois m'appuyer contre un mur pour reprendre mes esprits.
« Vous allez bien mademoiselle ?, me demande une femme dans la rue. »
Cette femme ne m'avait pas reconnu mais dès qu'elle voit mon visage, ses yeux s'écarquillent : elle semble si surprise de me voir.
« Vous...vous voulez que j'aille chercher quelqu'un ? Votre frère ? »
Finnick ne me servirait à rien. Je ne sais même pas où il est et même, je n'ai pas envie qu'il sache pour mon bras, pour la drogue. J'essaie alors de me redresser et de repartir.
« Non ça va aller merci, dis-je simplement en marchant. »
Autour de moi, toute la rue est à l'arrêt. Tout le monde s'est arrêté pour me regarder. Ils me voient tous lutter pour marcher, je dois paraître si faible, si ridicule. J'essaie d'éviter les flaques. Certaines paraissent si grandes que je pourrais nager dedans. D'ailleurs ça fait si longtemps que je n'ai pas nager, que je n'ai pas senti l'eau salée de la mer sur ma peau. Je me laisse alors tomber dans l'espoir de toucher cette précieuse eau. Mais dès que je touche le sol, il n'y a pas d'eau. Je tombe brutalement sur du béton. Je regarde autour de moi, je tâte le sol parfaitement sec. Je comprends alors, c'était encore une hallucination. La même femme que tout à l'heure, court accompagnée d'un homme, pour m'aider à me relever.
« Elle ne va vraiment pas bien, dit-elle à l'homme. Je vais chercher de l'aide. »
Elle part en courant, je la perds rapidement de vue. Il ne reste plus que l'homme avec moi. Il me porte alors jusqu'à la devanture d'un magasin, d'une poissonnerie. Je me laisse complètement faire, je ferme les yeux et me laisse porter. Je l'entends souffler quelques mots aux propriétaires du magasin puis il me pose sur une chaise. Assise, il attrape mon menton et claque des doigts devant mes yeux afin de capter mon attention. Je ne comprends pas comment mon état a pu autant se détériorer en quelques minutes, j'allais bien en sortant de la maison..
« Elle est consciente ?, demande une voix dans le magasin
- Que lui est-il arrivé ? dit une autre
- Aucune idée, on l'a trouvé comme ça dans la rue, répond l'homme qui m'avait porté »Ce dernier continue de claquer des doigts devant moi.
« J'ai chaud... j'ai trop chaud, dis-je faiblement »
En m'entendant, la vendeuse part à l'intérieure chercher de l'eau pour que je puisse boire. Mais elle met trop de temps à mon goût. Je remarque alors un grand bac d'eau rempli juste à côté. Sans réfléchir, je l'attrape et me le renverse dessus. Ce bac contenait en réalité l'eau usée dans laquelle avaient baigné des poissons morts pendant plusieurs jours : me voilà donc maintenant toute sale.
« Oh non, s'écrièrent les gens autour de moi en me voyant faire »
L'homme m'arrache le bac des mains et le jette loin de moi. Il continue de me parler, de me demander ce qu'il ne va pas, ce qu'il m'arrive. Je réponds faiblement à ses questions. Petit à petit, mon mal de tête s'en va, je commence à reprendre mes esprits. Je regarde alors véritablement pour la première fois l'homme qui me parle depuis 10 minutes. Je ne pensais pas qu'il était si âgé, mais ce qui me marqua le plus, ce sont ces yeux. Ils étaient d'un bleu éclatant, un bleu comme celui de la mer. Ils sont magnifiques, ils m'hypnotisent. Je plonge dedans comme je pourrai le faire dans la mer, ils sont si envoûtants. Je fronce alors les sourcils, car j'en suis persuadée je connais ces yeux, ils me rappellent quelque chose ou quelqu'un mais impossible de me souvenir précisément...
Je vois aussi les poissons morts que j'ai renversé au sol, je me sens un peu honteuse. Surtout quand je vois, la femme qui m'a aidé dans la rue, les ramasser un par un pour les remettre dans le bac. Le propriétaire de la poissonnerie est là lui-aussi, mais il ne s'occupe pas de moi. Il est debout sur le devant de la boutique, on dirait qu'il attend quelque chose mais quoi je l'ignore. Je sens que je vais de mieux en mieux. Je pense alors qu'il ne s'agissait sûrement que d'une crise, la voraline produit peut être aussi ces effets. Je décide de me relever, l'homme aux yeux bleus m'aide. Je les remercie tous de m'avoir si gentiment aidée. J'ai si honte en réalité mais j'essaie de garder le sourire. Je salue l'homme, la femme, il ne reste plus que le propriétaire. Je m'avance vers ce dernier et je le vois discuter avec quelqu'un, mais ce n'est pas n'importe qui. Je le reconnais, un grand colosse blond d'1m85 : c'est Kob. Que vient-il faire ici ? M'a t'il poursuivi ? Il vient sans aucun doute prendre sa revanche. Que faire ? Comment se défendre ? Ça va encore être un combat redoutable, mais cela ne concerne que lui et moi, je dois protéger les autres de ce monstre. Je me tourne et derrière moi il y a toujours le vieillard aux yeux océans. Pendant l'instant d'une seconde, je vois une version jeune de lui, d'environ une quinzaine d'année avec des cheveux bruns mi-longs, mais encore une fois je ne regarde que ses yeux. Il me regarde apeuré, le vieillard doit ainsi tenter de me demander de l'aide, de le sauver et c'est ce que je compte bien faire. Alors, je m'avance vers des étalages de la boutique et en attrape deux couteaux qui servaient à maintenir les poissions sur la planche. Une fois armée, je m'élance vers mon ennemi. Je pousse le propriétaire hors de danger pour le sauver, puis je saute sur Kob. Sans même qu'il ne puisse se défendre, j'agrippe mes jambes autour de son buste et j'en profite pour lui planter un couteau dans le dos. Il crie de douleur. Je redescends et me recule pour observer ma victime poser un genou à terre et enlever l'arme de son omoplate. Cependant, comme je m'en doutais, il est coriace. Il se relève, s'avance vers moi énervé en tendant une main vers moi. Je suis plus rapide que lui, je frappe le creux de son coude et avec mon autre bras, je m'enroule pour aller lui donner un coup à la mâchoire. Bien qu'il ne m'ait pas encore touché, je commence à ressentir une douleur au ventre, une très forte douleur qui me plie en deux. Je suis donc forcée de reculer, ce qui laisse du temps à mon adversaire pour se remettre de mes coups. Il continue de crier des jurons. Il va encore trop bien à mon goût. Malgré ma douleur, je me redresse, attrape mon dernier couteau et m'élance vers lui pour lui infliger le coup final. Je suis retenue par le vieillard qui me tient à la taille et m'entraîne vers la chaise sur laquelle j'étais assise tout à l'heure. Mais que fait- il ? J'étais pourtant en train de le protéger ! Soudain, tout devient évident : il a toujours été avec eux, avec Kob, mais pas avec moi. Et pourtant on aurait pu s'allier, on aurait pu se protéger, s'aider, se sauver, car j'aurai pu le laisser gagner pour notre district. Pourquoi est-il parti avec eux ? Ils vont lui faire du mal alors que moi j'aurai pu le sauver. Ces pensées me vont monter les larmes aux yeux, j'ai tellement de peine pour ce vieillard, il méritait tellement mieux...
Une fois assise de force, le vieillard me maintient les mains dans le dos pour que j'arrête de gesticuler. Le propriétaire s'avance vers moi et là, il me donne une énorme claque à la joue droite. Je suis complètement sonnée par cette gifle. Je mets du temps à retrouver mes esprits. Je ferme les yeux et quand je les réouvre, je suis horrifiée par ce que je vois. A quelques mètres de mois, un grand pêcheur blond était agenouillé au sol, couvert de sang. Je comprends alors tout de suite ce qu'il se passe, ce que j'ai fait : j'ai attaqué un pauvre homme, ce n'était pas Kob...
Dans la rue, tout le monde me regarde horrifié, choqué et reste muet. La gentille dame qui m'avait aidée, tremble et pleure en me regardant. Pour eux, c'est moi le monstre.« Elle est là bas !, s'écrit une voix au loin en pointant un doigt dans ma direction. »
J'imagine que des gens apeurés ont appelés des Pacificateurs pour m'arrêter. Suis-je vraiment devenue si dangereuse ? Un danger public ? Ce n'était pourtant qu'une hallucination ! Mais cette fois-ci, j'ai blessé quelqu'un et ça, ce n'est pas tiré de mon imagination.
« Violet ! »
Ce n'est pas les Pacificateurs. C'est encore pire, c'est Finnick, qui sortit de nul part, court vers moi.
« Oh mon dieu, dit-il choqué une main devant le bouche en voyant le pêcheur à terre, vous allez bien ? Que s'est t'il passé ? »
Le propriétaire lui raconte brièvement ce qu'il s'est passé. Mais il ne sait pas, ils ne savent pas ce que moi je voyais ! Je me sens tellement honteuse, je me mets bêtement à pleurer sur ma chaise. Le vieillard me relâche les mains. Cela en est trop pour moi, je profite de ne plus être tenue pour me lever et m'enfuir en courant.
« Violet !, crie Finnick »
Il promet au propriétaire de la poissonnerie de revenir bientôt puis part à ma poursuite. Je cours plus vite que lui et puis, j'ai de l'avance. J'ai si honte que je voudrais disparaître. Je cours le plus vite possible dans les rues. Je bouscule quelques personnes sur mon chemin mais je ne prends même pas le temps de m'excuser ou de leur parler : je veux juste partir d'ici. Je veux aussi arriver le plus vite possible au cimetière car j'ai peur d'avoir d'autres hallucinations et je ne sais pas ce que je pourrais encore faire cette fois...
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Violet Odair
FanfictionLongtemps cachée et protégée dans l'ombre de son frère, Violet Odair devra être confrontée, cette année, aux 73ème Hunger Games. De nature réservée et émotive, elle devra tenter de changer afin d'avoir un espoir de remporter ces Jeux. Grâce au...