Chapitre 5 - Une chute à cheval

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J'entrai dans le domaine sans m'arrêter auprès d'Alaric, la fête continuait de battre son plein pendant que l'horreur se tramait de l'autre côté de leur cage dorée. Comment pouvait-il s'amuser dans l'insouciance du monde ? Etait-il tous aussi imbu de leur personne ? Les larmes coulaient, je n'avais aucun moyen de les calmer.

Jamais je ne m'étais retrouvée dans cette situation, être aussi vulnérable, à la merci des autres, que se serait-il passé si je n'avais pas eu ma bouteille de rhum ? C'est à l'écurie que j'arrêtai Arion. J'eu du mal à lui retirer la selle avec une main qui saignait encore, il fallait que je désinfecte la plaie pour la panser après. La selle tomba au sol, je n'avais pas la force de la soulever. Cela attendrait, je fis entrer Arion dans son box, il méritait de se reposer après le galop qu'il venait de m'offrir pour rentrer, sans aucune pause il m'avait ramené jusqu'ici.

- Appoline, est-ce vous ?

Je reconnu la voix du vicomte mais ne me retourna pas, j'avais pris quelques coups au visage, je ne souhaitais pas qu'il me voit dans cet état, qui plus est, les yeux encore embués de larmes.

- J'aimerais rester seule, finis-je par dire après plusieurs longues secondes de silence.

- Vous saignez.

Il s'avança, je baissai la tête encore plus de l'autre côté, afin qu'il ne me voit, pas même d'un iota.

- Vous n'êtes pas obligée de me dire ce qu'il s'est passé mais que vous le vouliez au non, nous allons soigner votre blessure, il ne faudrait pas qu'elle s'infecte.

- Justement, c'est bien ça votre problème à vous les hommes, vous vous fichez bien de savoir ce que l'on veut nous, nous les femmes ! C'est toujours vos envies qui priment !

C'est un sanglot qui éclata, j'entendis alors des pas arriver en ma direction.

- Appoline, je vais vous prendre mes bras, n'y voyez rien d'inconvénient, de déplacé, je suis juste là pour vous maintenant.

Et c'est ce qu'il fit, c'était à mon tour de pleurer dans les bras d'autrui, épuisée par la soirée que j'avais passé. Si Thomas avait été là, jamais rien de tout ça n'aurait eu lieu mais au lieu de ça mais il avait décidé de m'abandonner ! Il m'avait laissé seule et je devais gérer tout toute seule et tout le temps, comment étais-ce possible ?

Je n'étais pas prête à vivre sans lui.

- On va aller nettoyer votre blessure.

Il me porta alors, je ne rechignai pas, j'étais bien trop fatiguée pour ça. Demain, je pourrai m'amuser à le détester mais ce soir, j'avais besoin d'être aidée. Sur le chemin qui menait à je-ne-sais-où, je m'endormis ; ce n'est que lorsqu'il me déposa sur le lit que je me réveillais. Il avait déposé une petite bassine d'eau près du lit, disposé à côté d'une bouteille d'alcool et des bouts de tissu.

- Vous ne savez pas qui a vous fait du mal ?

- Il y avait cette adolescente, j'essayai seulement de la défendre.

- Vous ne manquez donc jamais de courage.

Le courage n'avait rien à voir là dedans, c'était seulement une question de choix. Et il fallait que les miens me permettent de me regarder dans la glace chaque matin aussi abimé mon visage soit-il.

- Cela va piquer,

Il appliqua alors le bout de tissu imbibé d'alcool ; je grimaçai, des coupures, j'en avais déjà eu auparavant mais la fatigue qui s'y mêlait ce soir, elle, était différente. Il pansa alors ma plaie, ma main gauche était recouverte de tissu ; comment allais-je pouvoir travailler convenablement ? Par chance, la main droite avait été épargnée, j'avais beaucoup plus d'appui sur cette dernière.

- Les bleus sur votre visage s'estomperont d'ici quelques jours.

Je me redressai alors, il était temps que je rentre dans ma chambre ; l'homme m'avait emmené dans une chambre d'ami, elle était bien trop luxueuse pour que j'y reste. A peine debout, je vacillais sur le côté, l'homme m'attrapa alors par la taille pour me stabiliser ; on était bien trop proches, d'une certaine façon, cela ne me dérangeait pas.

- Où comptez-vous aller ?

Il m'installa à nouveau sur le rebords du lit, l'air sévère.

- Il faut que j'aille me coucher, j'ai du travail demain.

- Vous dormirez ici jusqu'à ce que vous vous sentiez mieux Appoline, ce n'est pas un ordre mais une suggestion que vous n'êtes pas en mesure de refuser.

- Je ne veux pas que les autres soient au courant, qui sait ce qu'ils pourraient penser ; je ne ferai pas l'objet de ragots.

- J'interdirai quiconque d'entrer dans cette pièce, n'ayez crainte, vous avez ma parole.

Valait-elle quelque chose ? Ce soir, j'étais bien obligée de le croire. je retirai mes chaussures avant de me glisser sous les draps, le lit était exquis, si je dormais dans un lit comme ça tous les soirs, mon teint ne serait plus jamais terne et creusé. En quelques minutes, je sombrai dans les bras de Morphée, portée par une fatigue tant physique que morale.

Les rayons de soleil me réveillèrent au petit matin, je mis quelques secondes avant de réaliser où je me trouvais, les évènements de la veille me revinrent rapidement en mémoire. Le lit était bien douillet, je me redressai avant d'étouffer un petit cri ; Lord Bridgerton se trouvait dans ma chambre provisoire, endormi sur le fauteuil, était-il resté là toute la nuit ? Et surtout, à quoi bon être resté là toute la nuit ?

Dans un silence de tombe, je sortis du lit, enfilant mes chaussures ; l'aube ne s'était pas encore levé, tout le monde devait sûrement encore dormir. Je m'éclipsai par la fenêtre, elle donnait directement sur le jardin qui allait m'emmener beaucoup plus rapidement vers l'aile des domestiques. Avant de quitter la chambre, j'avais pris soin de déposer un duvet sur le vicomte, de l'extérieur, je ne pouvais malheureusement pas fermer la fenêtre comme je l'aurai aimé.

Une fois dans ma chambre, je me regardai dans la glace ; un oeil au beurre noir et une lèvre inférieur déchirée. Je pris une grande inspiration, comment allais-je faire pour cacher ça aux yeux des autres ? C'est alors que j'eu un éclair de génie ; j'allais plaider une chute à cheval, chute bien matinale.

Appoline - BridgertonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant