Chapitre - E pour Edwina

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C'est main dans la main que nous descendions dans la salle à manger, là où tout le monde s'était installés pour le dîner. Les regards furent surpris en nous voyant débarquer de la sorte alors que ce matin, j'aurai pu lui arracher les yeux de la tête sans sourciller. Les Sharma se levèrent pour aller à notre rencontre, faisant une légère révérence au passage.

- Nous tenions à nous excuser pour l'incident de ce matin, si nous avions su à quel point vos chevaux vous tenaient à coeur, jamais nous n'aurions..

- J'accepte vos excuses à condition que vous acceptiez les miennes, je n'aurai jamais dû vous parler de la sorte, répondis-je à la mère de famille. Nous n'avons pas eut le temps d'être présenté, je suis Appoline, vous êtes sûrement Lady Mary et vous, Edwina.

- Effaçons l'incident de ce matin et repartons sur de bonnes bases, nous sommes enchantés de faire votre rencontre, dit Mary.

- Le plaisir est partagé, dis-je alors. J'espère que vous vous plaisez à Aubrey Hall,

- Nous y sommes déjà venues, avec ma soeur, dit aussitôt Edwina.

Elle me prit légèrement de court, Anthony effectua une pression sur ma paume pour ne pas que je perde la face.

- Vous m'en voyez ravie, dis-je avec un sourire avant de m'installer à table, à la droite d'Anthony qui lui était en bout de tête, en bon chef de famille.

Edwina était installée face à moi, je pouvais comprendre dans son regard qu'elle ne m'appréciait pas, pas étonnant vu la façon dont je les avais accueillis ce matin.

- Pour quelle occasion, êtes-vous déjà venue ici ? demandais-je alors à Edwina,

- La première, c'était pour la demande en mariage d'Anthony,

- Oh, tu as demandé en mariage Kate ici, je.. Je ne savais pas, dis-je en me tournant vers l'homme.

Cette maison avait une histoire et visiblement, je faisais partie des murs.

- En réalité, c'est moi qu'il demandait en mariage.

Je manquais de recracher mon vin, au lieu de ça, je bu double gorgée pour face passer la nouvelle. Sa phrase avait jeté un blanc sur la salle, plus personne ne parlait sauf Anthony, qui prit la parole.

- Je ne suis pas sûr que cela soit approprié de parler de ça maintenant Edwina,

- Au contraire, cela m'intéresse, dites m'en plus.

- Kate et mon frère sont tombés fous amoureux l'un de l'autre, mais j'étais le diamant de la saison. Il était normal que ce soit moi qu'il courtisait mais l'amour triomphe toujours, non ?

- Cela va sans doute.

- Et vous, comment êtes-vous tombée amoureuse du vicomte ?

Elle ne m'appréciait définitivement pas.

- Je..

Je ne pouvais pas inventer un mensonge aussi gros et pourtant, j'en étais obligée, pour garder la face. C'est alors que j'eu un flash, Anthony et moi, dans l'eau, il tentait tant bien que mal de m'apprendre à nager, ce souvenir me fit sourire. Il était moqueur, bien trop pour un homme qui disait seulement réagir face à la situation. Je pouvais encore ressentir le sentiment d'apaisement que j'avais ressenti près de l'homme lors du lac, le même qui avait traversé les entrailles de mon coeur lorsqu'il avait attrapé mes mains pour me calmer.

- C'est comme apprendre à nager lorsque l'on a une peur bleu de l'océan. Au début, on est terrifié puis pas à pas, une personne réussit à te mettre assez en confiance pour que tu réussisses à lui confier ta vie, Anthony est mon quelqu'un. Je l'ai compris, petit pas par petit pas.

Et je pouvais sentir le regard de l'homme posé sur moi, j'aurai aimé lui dire que je me souvenais de notre moment dans le lac mais je ne pouvais pas, trop de monde nous regardait. Me regardait. Vu la tête qu'Edwina tirait, elle ne s'attendait certainement pas à une réponse comme ça. Je finis par croiser le regard d'Anthony, il semblait.. Touché, par mon discours. Sa main gauche était posé sur la table, à défaut de lui dire que je commençais à me souvenir de lui, je nouais mes doigts entre les siens, comme un signe d'affection. A mon plus grand étonnement, il retirait sa main presque aussitôt le contact fait. Je ne comprenais pas sa réaction, il venait de m'humilier sous les yeux de tout le monde.

- Je suis contente pour vous Lady Appoline, dit Edwina.

Le ton qu'elle employait sonnait faux, je ne saurai dire pourquoi. Je regardais Anthony, il fuyait désormais mon regard. J'avais parlé à coeur ouvert et voilà que je regrettai mes confessions.

- Et vous, n'avez-vous pas trouvé l'amour ?

- L'heure n'était pas à l'amour ces derniers mois,

C'était clairement un pic pour Anthony, elle vivait encore le deuil de sa soeur pendant que lui s'était marié avec une autre. Et elle lui en voulait, il n'y avait aucun doute là dessus. Je regardais Anthony, sa mâchoire était serré, il s'apprêtait à rétorquer mais je savais que rien ne pouvait en sortir de bon, je pris la parole en premier.

- Un deuil ne doit pas durer éternellement, finis-je par dire.

- Mais il ne doit pas non plus être fait trop vite,

C'était dingue, elle avait toujours quelque chose à rétorquer.

- Chacun est libre d'avancer à son rythme, dis Lady Danbury.

- Bien entendu, continua Edwina. Appoline, puis-je vous poser une question ?

Non, c'est ce que j'aurai aimé répondre.

- Je vous en prie, dis-je avec un sourire.

- Est-ce vrai, ce que raconte Lady Whistledown ?

- Cette dame raconte bien des choses, peut-être pourriez-vous être plus précises.

- Ou peut-être pourriez-vous nous dire ce qu'elle relate d'erroné.

- Cela suffit, Edwina, asséna sa mère, ce qui eut le don de jeter une ambiance encore plus glacial que précédent.

- J'essaye simplement d'apprendre à connaître celle qui remplace ma soeur.

- Personne ne remplace votre soeur, dit alors Anthony, sec.

Elle ne répondit pas tout de suite, cela donna l'occasion à Lady Violet de changer de sujet, préférant parler du repas de ce soir. Lady Danbury et Mary vantaient les mérites de la cuisine, Edwina resta silencieuse tout le reste du repas, Dieu soit loué. Anthony ne décrocha pas un mot, sûrement énervé par la situation. Personne n'apprécierait qu'on vienne parler de son ancienne femme de la sorte, surtout pas en présence de la nouvelle, cela était maladroit mais j'avais la nette impression que c'était voulu, Edwina n'avait pas l'air d'une fille bête, au contraire, elle semblait intelligente ; un peu trop.

Appoline - BridgertonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant